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Emmanuel Guibert et Marc boutavant, une complicité lancée il y a plus de 20 ans avec Ariol (2/2)




Le dessinateur de la série Ariol, Marc Boutavant, pensait que se lancer dans la bande dessinée était une erreur d’aiguillage. Rattrapé par son auteur, Emmanuel Guibert, Marc Boutavant nous présente tout ce que lui a apporté cette histoire, débutée il y a plus de 20 ans dans les magazines J’aime Lire. Une série qui lui a permis de connaître une forte amitié.

Quand vous avez débuté l'écriture d’Ariol, pensiez-vous qu’il aurait autant de succès dans le temps?

Marc Boutavant: Je ne pensais pas que ça allait autant fonctionner, mais surtout, je n’y pensais même pas. Emmanuel Guibert ne s’en souvient pas trop, mais moi en fait, quand il m’a demandé, j’étais partie de l’atelier des Vosges où on s’est rencontré. J’étais parti, car je n’étais pas trop BD. Pour moi, c’était une erreur d’aiguillage. Quelques mois après que je sois parti, Emmanuel m’a appelé pour me proposer de faire une bande dessinée pour J’aime Lire qui devra remplacer Tom-Tom et Nana. Au début, je lui ai dit non, car je suis illustrateur, je faisais des affiches et pour la BD, c’était trop rigoureux, répétitif. Puis j’ai réfléchi, je me suis dit que tout de même ce type est génial, ce serait bête de ne pas essayer. Donc je l’ai rappelé, j’ai accepté, et voilà comment est né Ariol.


Comment se sont passés les débuts, en sortant de votre zone de prédilection pour de la BD?

M.B: Je me suis dit que ce n’était pas grave si ça ne marche pas, au moins j’aurais essayé. J’étais à l’économie au début, je lui avais dit dès le départ qu’on allait pas faire une BD avec des champs, contre champs, des machins de caméras dans tous les sens. Je voulais de la simplicité. Les premiers épisodes sont vraiment dessinés avec les pieds, car je sortais complètement de mon domaine. J’ai mis quelques années avant que je sois assez content de mon travail comme aujourd’hui. Mais vu que les histoires d’Emmanuel sont vraiment bien dès les premiers épisodes, ça les rattrape. Les mois sont passés très très vite, on a pu se voir que quelques fois au début.


Emmanuel Guibert a dit de vous que vous avez « une connaissance psychologique profonde des personnages », que dans vos dessins « chaque personnage à l’expression et l’espace qui lui convient », qu'en pensez vous ?

M.B: Il dit ça, car il est extrêmement aimable. C’est en effet quelque chose que j’ai appris à faire avec le temps, mais en fait au début les personnages n'existaient pas vraiment. Petit à petit, ils ont commencé à gagner en épaisseur, en vocabulaire… Puis évidemment, je ne peux plus à ce que les personnages secondaires soient juste des figurants. Même s'ils sont muets en paroles, j'essaie de faire en sorte qu’ils existent. Après, je fais ça tous les mois, et quand il y a des épisodes, comme en ce moment, où il y a toute la classe, je deviendrais fou à faire chaque personnage super bien vivant!

Il y a une admiration mutuelle de vos travaux?

M.B: Je ne veux pas mériter moins, mais, vraiment, c’est lui le créateur des personnages, de l’histoire. Travailler avec un génie, c’est tout de même assez facile. Dans le sens que le chemin est déjà bien balisé. Donc je suis content qu’il apprécie mon travail. Encore une fois, sur la vingtaine d’années qu’on produit Ariol, je trouve que dans les dix dernières, je m’en sors pas mal. Mais je trouve qu’il a été patient avec moi, la mise en place a été raide, un peu longue à venir, et je suis très admiratif. Quand tu lis son histoire, tu te dis qu’elle pourrait être dessinée par n’importe qui d’autre, son histoire elle tient déjà debout toute seule.

Mais n’avez-vous pas envie d’innover parfois et de les dessiner les personnages plus âgés?

M.B: Non, pas trop. Quelques fois, je me suis amusé à dessiner un membre de la classe d’Ariol plus adulte dans un élément de décors comme une affiche. C'est Emmanuel qui aimerait bien faire un essai d’Ariol adolescent depuis quelques années. Je lui ai dit que je n'étais pas sûr de le faire, car je ne sais pas si je peux dessiner très très différemment l’adolescent, ce serait un drôle de pari.

Quelles ont été vos plus grandes inspirations pour Ariol?

M.B: Je me transporte énormément. C'est-à-dire que je vis beaucoup plus l’enfance d’Emmanuel. Par exemple, quand on dessinait les vacances d’Ariol et son ami Ramono, j’avais l’impression d’être en vacances avec Emmanuel chez ses grands-parents. Je ne suis pas parti en vacances comme lui, c’est un univers que je ne connais pas. Autre exemple, Emmanuel a eu des grands-parents très aimant, et moi, n’ayant pas connu ce lien, j’ai eu beaucoup de mal à le dessiner. C’est son histoire d’enfance, moi, j’essaie de me glisser dedans.


Qu’est-ce que vous a apporté Ariol pendant toutes ces années?

M.B: Dès le départ, je savais que j’allais apprendre des choses auprès d’Emmanuel, même si je n’étais pas chaud pour de la bd. Aujourd’hui, humainement, je suis hyper fier de dessiner Ariol. Quand les albums sortent, je suis hyper fier de ces albums. Je me dis que c’est hyper beau comme histoire, à tel point que j’ai pu en envoyer à mes parents, parce que j’étais content de les partager avec eux et qu’ils seront touchés. Je suis tellement content d’être là où m’a emmené Emmanuel.

Vous travaillez à distance essentiellement, qu’est-ce qui vous a rapproché avec Emmanuel?



M.B: Depuis quatre ans, existe le Ariol Show. Emmanuel a écrit des chansons, des mélodies pour les chanter sur scène et moi, je les dessine en direct. Ce qui est génial avec cette histoire c’est que, tout d’un coup, on s’est retrouvé ensemble à prendre le train pendant trois/quatre heures, à dormir dans le même hôtel, à dîner, à déjeuner, à faire le show et à se marrer. Ça, on ne l'avait jamais vécu, alors qu’on se connaît depuis 15 ans. On était déjà copain, on pouvait se parler d’un tas de choses, mais depuis ce spectacle, on s’est retrouvé régulièrement à se marrer très fort dans pleins de situations très diverses et vivre des trucs hilarants. On ne vivait plus des choses ensemble qu’à travers la bande dessinée.

M.B: Et je pense qu’il pense pareil que moi, mais ce qui nous a rapproché a été de nous montrer les lieux où nous avons passé nos enfances. Parfois, j’ai l’impression d’avoir grandi avec lui. Depuis 15 ans, Emmanuel m’appelle Ram pour Ramono, le copain d’Ariol, et moi, je l’appelle Ariol. Emmanuel, c’est un livre qui fait 3 000 pages, voire plus. Et toutes les pages sont passionnantes.

Cette interview est en deux étapes. Découvrez dès maintenant l’interview de son ami Emmanuel Guibert sur Zoo.

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