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iLatina, une maison d'édition qui place l'Argentine au premier plan

Créée en 2019, iLatina est une maison d’édition dédiée à la publication de bandes dessinées latino-américaines. Thomas Dassance est le co-créateur et président des éditions iLatina. L’éditeur a répondu aux questions de Zoo le mag depuis l’Argentine, où il vit depuis 22 ans. 


Comment est née votre maison d'édition?

Thomas Dassance: L'origine des éditions iLatina est fortement liée à mon histoire de vie personnelle. Il y a presque 23 ans, je partais en Argentine dans l'idée de finir mes études, un DEA en Histoire.  Mais surtout, j’avais l'énorme envie de découvrir l'Amérique du sud qui m'attirait depuis tout petit. J'étais parti pour 1 ou 2 ans… Finalement, j'y suis depuis une vingtaine d’années maintenant! Entre temps j'ai découvert un pays, une culture, des gens, une histoire qui m'ont fasciné... Et une tradition en bande dessinée que j'ai eu envie de faire découvrir.
En 2001, j’ai sorti une première revue franco-argentine de Bande dessinée ayant pour but de faire découvrir le vivier de jeunes auteurs argentins très talentueux mais qui n'avaient plus de débouchés éditoriaux en Argentine. C’était juste avant l'explosion socio-économique de 2001. J’ai enchaîné plusieurs activités jusqu’en 2018. Cette année là, tout s’est arrêté : nouvelle crise économique et sociale, coupes de budget dans tout le secteur de la culture... Ce coup de frein fut l'occasion de faire le point. J’ai réalisé que j'avais envie de monter un projet de maison d'édition professionnelle en France qui me permette de faire découvrir la BD patrimoniale et celles des jeunes auteurs actuels issus de l’Amérique du Sud.
Pour cela, il fallait quelqu'un qui accepte de se lancer dans l'aventure et de porter ce projet en France... Et par chance, Claire Miremont a tout de suite accepté de rejoindre ce projet et nous avons créé cette maison d'édition ensemble!


Thomas Dassance, le président de iLatina éditions

Thomas Dassance, le président de iLatina éditions
© iLatina éditions




Quelle est la ligne éditoriale de ILatina?

T.D: Nous voulons faire découvrir tout un pan de l'histoire Américo-latine du 9ème art que le lecteur français connait peu ou pas du tout. On recherche des histoires fortes qui parlent de ce qui se passe ou se passait en Amérique du Sud notamment avec Novela gráfica. Cette collection est dédiée aux jeunes auteurs de ce continent, mais aussi dans notre collection patrimoniale. Et si on se permet certains écarts quand l'oeuvre nous semble en valoir la peine comme avec Chroniques Amérindiennes, on aime que ce soit ces histoires humaines, généreuses qui nous emmènent si possible à la rencontre d'autres cultures pour ouvrir nos horizons et ceux de nos lecteurs.


D'où vient cette envie de faire découvrir des albums issus de la culture latine? Quel est votre rapport à l'Amérique du Sud?

T.D: Personnellement, je lisais déjà beaucoup de BD sud-américaines en France avant de partir en Argentine : Carlos Nine, Alberto Breccia, José Muñoz, Cacho Mandrafina… En partant en 1999, je me disais que j'allais découvrir tout un monde inconnu pour les lecteurs français... Ça s’est avéré vrai, mais pas comme je l'imaginais. Au début des années 2000, le secteur de l'édition était totalement en crise en Argentine et presque toutes les maisons d'édition avaient disparu.
Par conséquent, trouver de la BD à acheter dans des librairies était devenu presque impossible! C'est là que je me suis imaginé en tant qu'acteur du monde de la BD. Et j'ai découvert petit à petit des auteurs et des oeuvres au travers de rencontres, de conseils, de présentations. C'est et ce fut passionnant.  Cela m'a encore plus donné envie de travailler à la mise en valeur de ces oeuvres et de ces auteurs inconnus en France et qui par là-même retrouvent des opportunités d'éditions en Argentine. Alvar Mayor par exemple, sort enfin en Argentine après nos éditions en France! La grande arnaque et L'Iguane devraient aussi enfin être publiés de nouveau en Argentine... Cela est gratifiant de constater que ça marche aussi dans ce sens. 


Les oeuvres récentes de iLatina éditions

Les oeuvres récentes de iLatina éditions
© iLatina éditions



Ilatina publie une majorité d'albums en noir et blanc, pourquoi?

T.D: C'est tout simplement lié à la caractéristique principale de la tradition BD argentine et sud-américaine en général. Dans ces pays, le noir et blanc était, et reste bien souvent, la norme. Contrairement à la France où nos grands classiques sont en couleur, la BD argentine classique est en noir et blanc. La raison résulte d’une question économique liée à l’impression. Par conséquent, le grand public a toujours eu l'habitude de lire de la BD en noir et blanc ici.


Comment définissez-vous le type d'albums publiés par ILatina?

T.D: Je dirais que nous essayons de faire de beaux livres qui rendent hommage au travail de leurs créateurs et offrent une découverte d'auteurs et d'oeuvres méconnus en France.
On essaie aussi de trouver le juste équilibre dans nos choix pour offrir des oeuvres typiquement argentines ou sud-américaines, tout en essayant de respecter les goûts d'un certain lectorat français...


Pouvez-vous nous parler de vos 2 collections, Grandes Autores et Novela Grafica?

T.D: Grandes Autores, comme le dit son nom, est une collection patrimoniale dédiée à l'édition ou à la réédition d'oeuvres fondamentales de la BD argentine et sud-américaine. Elle met également en avant de grands auteurs dont le travail est resté dans l’ombre.
Novela Gráfica est une collection dédiée aux romans graphiques de jeunes auteurs sud-américains qui choisissent de raconter des histoires fortes avec une esthétique et des choix personnels. C'est la collection qui, à terme,  prendra le plus de place.


Quel est votre rythme de parution?

T.D: En 2019, avec seulement 4 mois d'existence réelle, nous avons publié 3 livres. En 2020 nous comptions atteindre notre "rythme de croisière" avec une dizaine de titres par an. Mais la pandémie en a voulu autrement et nous a obligé à revoir nos plans. Nous avons fini 2020 avec seulement 5 livres. Cette année nous sommes partis sur des bases plus importantes puisque nous avons déjà sorti deux livres: Alvar Mayor: l'origine des Mythes et Rakhassas. Fin avril, nous avons lancé simultanément Un certain Daneri d'Alberto Breccia et D'une rive à l'autre d'Enrique Breccia. En mai sortira Kinnara, l'automate céleste de Quique Alcatena. Et en juin, ce sera la sortie de notre deuxième livre de la collection Novela Gráfica: Le coup de cafard de la jeune autrice Gato Fernández dont nous avons réalisé la prévente en crowdfunding (NB: financement participatif).

Quel est votre rapport au Crowdfunding?

T.D: Nous nous en sommes servi au moment de lancer notre maison d’édition. C’était surtout pour que cela aide à communiquer autour de la maisons d'édition sans avoir aucun livre encore publié.
Le sujet du Coup de cafard nous a paru suffisamment important et porteur pour tenter un nouveau crowfunding. Encore une fois, dans l'idée de faire parler du livre avant sa sortie... Et par là-même récupérer quelques fonds pour lancer au plus vite la création du second livre de Gato.



Quels sont les lecteurs cibles de ILatina?

T.D: Je pense qu'il y a un lectorat de connaisseurs, intéressé par l'histoire de la BD mondiale, amateur de la ligne de dessin sud-américaine et argentine en particulier. Mais, les quelques expériences en salon nous ont démontrés que nos livres sont susceptibles d'attirer un large public,  y compris des lecteurs peu habitués au noir et blanc ou à la bande dessinée sud-américaine. Et puis, les sujets très diversifiés de chaque livre permettent à des lecteurs d’y trouver ce qui leur plaît.


Avez-vous des projets particuliers prévus pour cette année?

T.D: Oui, si tout va bien, nous devrions lancer en fin d'année une nouvelle collection, en format souple, pour donner un espace aux auteurs sud-américains actuels qui ne s'inscrivent pas dans la création de romans graphiques. Mais qui proposent pourtant des oeuvres à découvrir absolument.
Ce sera une collection beaucoup plus libre. Il y aura des récits de science fiction, historiques, policiers… Les albums seront en noir et blanc ou en couleur et auront pour but de pouvoir s'adapter à la créativité des auteurs sud-américains.


Avez-vous un coup de coeur, qui sera prochainement publié, dont vous souhaitez nous parler?

T.D: Notre coup de coeur actuel est bien entendu Le coup de cafard. C'est la première création que nous avons financé de zéro. Mais c'est surtout un livre témoignage, fort, subtil et nécessaire pour pleins de raisons. L'autrice avait besoin de le faire pour exorciser ses traumatismes et la société a besoin de ce genre de livres pour mettre en lumière un sujet tabou comme l'inceste. Et c'est un coup de coeur par rapport au talent de cette jeune autrice qui a un dessin fluide, simple et puissant à la fois. On espère vraiment que les lecteurs lui donneront sa chance pour tomber sous le charme, ce qui a été le cas pour nous!





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