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Patrice Leconte dans le neuvième art

Pour la deuxième fois, Patrice Leconte n’écrit pas un scénario de film mais de bande dessinée. Environ un an après la publication du premier tome de Deux passantes dans la nuit, il revient avec le second volet qui clôt l’aventure de ces deux femmes que tout oppose dans le Paris des années 1940, sous l’occupation allemande. Un univers sombre dominé par deux protagonistes passionnantes.

Comment s'est passée votre collaboration en trio avec Jérôme TONNERRE (Coscénariste) et Alexandre COUTELIS (dessinateur) sur cette série?

PATRICE LECONTE: On a écrit cette histoire avec Jérôme alors qu’elle était initialement prévue pour être adaptée en film. On aimait bien ces deux personnages qui vivaient des aventures, le temps d’une nuit, à Paris. On avait déjà écrit plusieurs films et adaptations ensemble. On a commencé à rêvasser autour de l’idée d’en faire un film. Finalement, on a rapidement réalisé que l’adaptation cinématographique, qui était très stylisée, représenterait un budget assez colossal... On a donc préféré en faire une bande dessinée. Nous avons donc d’abord terminé d’écrire le scénario avec Jérôme. Puis de mon côté, avec Alexandre Coutelis, j’ai procédé à l’adaptation en BD et travaillé au découpage.

Patrice Leconte passe du septième au neuvième art

Patrice Leconte passe du septième au neuvième art © Claire Garate


Ce tome 2 contient des scènes hors du commun comme celle du Jardin des Plantes dans laquelle un éléphant accompagne les deux héroines. Est-ce une volonté de votre part d'incorporer un peu d'onirisme dans ce contexte cauchemardesque? 

P. L : On ne voulait absolument pas faire quelque chose qui soit historique avec des véhicules d’époque, des SS... On souhaitait vraiment avoir une image plus stylisée et centrée autour de ces deux femmes, Arlette et Anna.

La scène onirique du jardin des Plantes

La scène onirique du jardin des Plantes © Grand Angle, éditions 2021

Ce tome 2 vient confirmer qu'il s'agit surtout d'une histoire d'amitié entre Anne et Arlette. Comment qualifiez-vous leur relation? 

P. L : A priori, tout les oppose. Mais justement, c’est quand tout nous oppose que l’on peut se trouver et être plus fort à deux. Arlette est ce que j’appelle « une bonne fille ». Elle a un fond de naïveté et est moins simulatrice qu’Anna. Cette dernière est un peu sombre, opaque. L’intérêt de leur relation est qu’on ne sait pas quel personnage est la bouée de sauvetage de l’autre. Elles le sont l’une pour l’autre d’une certaine manière. Et cette amitié se renforce au cours de ce deuxième tome.


Leurs caractères sont dimétralementopposés. C'est ce que vous vouliez dans le scénario?

P. L : Quand on invente des personnages, on aime en créer qui soient très différents. C’est ce qui est amusant. Dans mon film La Fille sur le pont, un lanceur de couteau, à la dérive, rencontre une fille prête à se jeter dans la Seine. Ce genre de situation ne se produit que dans les films. J’aime organiser ces rencontres improbables.


Avez-vous eu des inspirations particulières pour ces deux jeunes femmes en cavale qui ont soif de liberté? 

P. L : Il n’y a pas eu d’inspiration particulière. Je n’ai pas communiqué de photos ou de propositions à Alexandre Coutelis. Je voulais vraiment qu’il soit libre de faire ce qu’il voulait, comme il l’entendait. Je préférais décrire le plus précisément possible la silhouette, le comportement et la personnalité de ces deux filles. Alexandre pouvait ensuite réaliser des croquis à partir de mes mots. Il avait ainsi une totale liberté. 


Pouvez-vous me parler de votre rapport à la BD? Vous aviez contribué au magazine pilote dans les années 70 avec notamment Gazul et Cie sur lequel vous étiez scénariste et dessinateur? 

P. L : Quand j’étais enfant, je lisais Spirou et Tintin, puis je suis passé à Pilote. J’ai toujours adoré Hergé, je connais par cœur les aventures de Tintin! Et en ce qui concerne Franquin, toutes ses aventures sont vraiment formidables : Gaston Lagaffe, Spirou et Fantasio… C’était vraiment un maître! J’avais une préférence pour les BD qui n’étaient pas réalistes. La seule BD réaliste que j’ai particulièrement appréciée, c’est Les Aventures de Michel Vaillant, le légendaire pilote de Formule 1, car j’aimais beaucoup les voitures et le monde de l’automobile.

Pour vous, existe-t-il beaucoup de similitudes entre le septième et le Neuvième Art ?

P. L : Le point commun est la création d’histoires que l’on met en image. Dans ces deux domaines, il y a des similitudes par rapport à la notion de cadre, de lumière, de narration, d’ellipses, de personnages… Cependant, la bande dessinée n’est pas tenue d’être réaliste alors que le cinéma, forcément, filme de vraies personnes, de vrais décors... Il y a un réalisme ancré dans le septième art alors que la bande dessinée est plus libre dans ses propositions. 

Plusieurs films de Patrice Leconte

Plusieurs films de Patrice Leconte


Vous aviez prévu de faire cette histoire en film avant d'en faire une BD. Après avoir réalisé cette série, avez-vous envie d'en faire une adaptation cinématographique? 

P. L : On en a justement plaisanté avec Jérôme Tonnerre, car on se disait que la bande dessinée pourrait tomber entre les mains d’un producteur téméraire et avisé qui souhaiterait acquérir les droits pour en faire un film. À ce moment-là, on sauterait sur l’occasion et ce serait absolument merveilleux! Ça relève peut-être de la science-fiction d’imaginer ça, mais... on ne sait jamais!

Si vous écriviez une nouvelle bande dessinée, par quel genre seriez-vous attiré ?

P. L :Je pense que ce serait la comédie, car j’ai toujours aimé faire rire!

Article publié dans le Mag ZOO N°83 Septembre-Octobre 2021

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