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Steve Cuzor: Rencontre avec le cow-boy de la bande dessinée

Avec Steve Cuzor, impossible de ne pas parler BD et cheval, ces deux passions l’animent. Avant de devenir l’auteur de bande dessinée que l’on connaît aujourd’hui, affrontant les critiques, Steve Cuzor chevauchait des taureaux et de broncos en Europe et au Texas. Un véritable cow-boy! Accrochez-vous à votre selle dans cet entretien du dessinateur à la vie proche d'un western.

Que pensez-vous du genre western en bande dessinée?

Steve Cuzor: C'est une longue histoire. J'avais 2 rêves d’enfant, être cow-boy et être auteur de BD, mais de western. Pour ce second rêve je ne l’ai jamais réalisé étonnamment. J'ai toujours reculé l'échéance de faire un western. J'estimais, peut-être, ne pas assez mûr pour en faire un. J'attendais d'être super au point pour ne pas gâcher mes cartouches.



Mais avez-vous réalisé votre rêve de devenir cowboy?

S.C: Le monde du cheval et du spectacle m'ont amené à faire du rodéo. C'était à petite échelle, en France. Après, ce fut dans les bases américaines en Allemagne. Il y avait un circuit européen de rodéo. Puis je suis parti au Texas, car c'est le lieu où il faut aller pour se frotter à ce qu'il se fait de meilleur. À mon retour en France pour le passeport, on m'a appelé pour faire un boulot d'illustration. Je me suis inscrit à l'URSSAF, j'ai rencontré ma compagne, on a eu un enfant, du coup, je ne suis jamais reparti.

Comment avez-vous découvert le western en bande dessinée?

S.C: Ce sont les belles rencontres. Quand j'avais 14 ans, j'ai rencontré Mike Perret. Il tenait un ranch près de Dreux, à la limite de la Normandie: Le Montana Ranch. Il collectait des selles, des chaps et des coiffes indiennes. Il était aussi décorateur, donc l'endroit était magnifique. Il y avait un tas de bandes dessinées inimaginables, de Blueberry à Comanches, les premières éditions. J'ai connu Michel Blanc-Dumont et son frère dans ce ranch. Ils étaient amis avec Mike Perret, j'allais voir leur show. J'étais un gamin par rapport à eux. Il ne me connaissait pas, mais mon premier original en BD était l'un de Michel. À cette époque, je ne savais pas qu'on dessinait plus grand, je pensais qu'on dessine au format de parution. On peut dire que c'est dans ce contexte que j'ai découvert ce mix entre le monde des cow-boys, super authentique, et la bande dessinée.



Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans ce genre?

S.C: Contrairement à certains de mes camarades passionnés d'armes, ce sont les chevaux et l'équipement qui m'ont fait aimer le western. Je ne comprends pas qu'un passionné faisant une bande dessinée dans ce genre ne sache pas dessiner une selle. Ça m'énerve. C'est l'entité même d'un cow-boy. Elle représente des mois et des mois de salaires. Ta selle, tu ne l'abandonnes pas dans le désert comme dans les films que l’on peut voir. Vous pouvez le comprendre, je suis, je suis très attaché à la crédibilité. Ce qui m'intéresse, ce ne sont pas forcément les batailles contre les Indiens. J'aime les westerns des années 50/60, où on parlait de la vraie vie des ranchers. J'ai une appétence pour cette vision du cow-boy qui a son vieux pick-up, mais en même temps, il a ses chevaux.


Est-ce que votre carrière en rodéo a influencé votre manière de dessiner?

S.C: Bien sûr. Par exemple la position d'un homme à cheval: le cavalier fait corps avec sa monture, alors si le cheval part à droite, son corps doit compenser avec ses hanches en partant à gauche. Si tu as conscience de cette problématique quand tu dessines, on retrouve quelque chose d'authentique. Aujourd'hui, ce sont encore des questions que je me pose graphiquement. Je ne pourrais plus me contenter de me dire qu'un cow-boy, c'est un homme à cheval, avec son chapeau, des éperons et un flingue. Je ne suis pas un amoureux de l'apparence, je suis amoureux de ce qu'il y a en profondeur. Il y a des gens qui l'avaient compris avant moi, comme Christian Rossi ou Giraud. Quand tu vois leur cavalier depuis qu'ils sont de jeunes auteurs, ils ont su super bien se documenter. Ils avaient déjà compris qu'en-dehors du du look, il y avait un sens graphique du mouvement, une espèce de chorégraphie du western.

Avez-vous un autre exemple de cette «chorégraphie du western» à nous donner?

S.C: On peut prendre l'exemple de la tenue des rênes longues, tombantes. Un jockey qui court à Longchamps, il est penché vers l'avant et il tire sur la bouche du cheval. Un cow-boy, il est plutôt vers l'arrière, les rênes toujours tombantes. Le cheval du cow-boy n'est jamais nerveux. C'est donc pas du tout le même aspect que l'on doit dessiner. Par contre, quand tu demandes à un cheval de cow-boy de partir au galop, il y va rapidement, parce qu'il est dressé pour aller chercher du bétail, s'arrêter tout de suite, faire demi-tour tout de suite. Tout cet aspect fait forcément partie de la création au moment où je m'investis dans une histoire.

Même pour une histoire où il n'y aurait pas de cheval, la documentation est importante pour vous?

S.C: C'est important parce que même si on ne s'en sert pas, au final, on doit faire le tour d'un état d'esprit. C'est ce qui permet de faire le tour de la question, de comprendre des choses sur notre sujet. Actuellement, je bosse sur un album sur la Guerre de Sécession. Je n'ai jamais pris part à une guerre, encore moins celle de Sécession. Donc je vais regarder des reportages, des films, des photos d'époque... Même si je ne me sert que d'un 100ème de tout ce que j'ai appris, ça va inconsciemment m'éviter de dévier de la réalité. Il y a une crédibilité de l'histoire qui permet de la rendre efficace.

Pourquoi vous n’avez jamais pu réaliser une série ou juste un album western?

S.C: J'ai toujours reculé l'échéance. Quand tu passes derrière Giraud, Rossi ou Blanc-Dumont, tu te dis: «Qu'est-ce qu'il reste à faire?». Il n'y a que l'histoire qui peut être originale, ou une façon de raconter qui peut être différente. Aujourd'hui, depuis la mort de Giraud, il y a de nombreux westerns qui sont produits. Je pense que sa perte a libéré des auteurs qui rêvaient de faire un western. Ils se refusaient d'en faire un parce que, entre guillemets, le maître était là et qu'ils allaient forcément être comparés à lui. De toute manière, le moindre critique dira que ça lui fait penser à Blueberry. Ça devient pesant.

Mais allons-nous avoir, un jour, un western de Steve Cuzor?

S.C: Quelque part, j'ai toujours fait du western. La série O'Boys est une espèce de western ferroviaire. Dans cette histoire, on suit des vagabonds du rail dans les années 30. Il y a ce côté fuite, en avant l'aventure, on a rien à perdre. Un vrai personnage de western, c'est une personne qui ne se soucie pas du lendemain. J'y viendrai un jour, je pense. Mais ce n'est pas le western en lui-même qui m'intéresse. Quel intérêt à raconter un western si ce n'est la vie ou le caractère des personnages puissants. Ce qui me pousse à faire des projets, c'est le sujet de l'histoire. Encore mieux si c'est contemporain. Raconter la biographie de Buffalo Bill ça ne m'intéresserait même pas. Par contre, si à travers un western, on raconte quelque chose d'actuel, qui apporte quelque chose en plus, que les gens ne connaissent pas, là ça devient intéressant.

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