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Patrick Prugne est toujours en pleine exploration du Nouveau Monde

Le Nouveau Monde a une place particulière dans le travail de Patrick Prugne. L’auteur auvergnat de bande dessinée en a fait son thème de prédilection. L’exploration des États-Unis et les Amérindiens n’ont pas de secret pour lui. Il apporte ses connaissances sur l’album événement western. Rencontre avec ce maître de l’aquarelle en bande dessinée.


Quel est votre rapport avec le genre western?

Patrick Prugne: Avec mes albums sur les Indiens, certaines personnes pensent que je fais du western. Mais je fais beaucoup plus ce que l'on pourrait appeler du «Nouveau Monde», la période historique avant la création des États-Unis. Dans mes histoires, je me positionne toujours sur les amérindiens à l'époque où l'Amérique actuelle se partageait entre les Anglais et les Français.


Pourquoi préférez-vous cette période au western?

P.P: On m'a souvent posé la question, et j'ai toujours du mal à répondre à cette question. Je crois préférer les aventures. Dans un bon western, il y a des aventuriers. Quand j'ai découvert que de jeunes Bretons pouvaient aller au Nouveau Monde et rencontrer des Indiens, ça m'avait frappé étant jeune. Je me suis dit: «Mince les Indiens, ils n’ont pas côtoyé que des cowboys». Cette pensée ne m'a jamais quitté. Alors j'ai toujours lu beaucoup de choses autour de cette période: la naissance du Québec, la descente du Canada. Évidemment, j'aime aussi le côté aventure dans les grandes plaines, ruée vers l'Ouest, les Indiens que l’on retrouve dans les westerns. Mais c'est moins mon histoire en fait. Alors que dans l'histoire de la Nouvelle-France et du Nouveau Monde en général, je retrouve plus mon identité. Beaucoup de Québécois ont des ancêtres français, il suffit de regarder leurs noms de famille.


Peu de bandes dessinées traitent du Nouveau Monde comparé au western?

P.P: Tout à fait, il y a vraiment beaucoup de westerns Franco-belge, c’est un constat. Attention, je n'ai pas pris ce chemin pour cette raison. Je ne me suis pas passionné pour cette période parce que personne ne le faisait, mais je me suis aperçu que très peu l'ont fait. Il y a Maryse et Jean-François Charles qui ont fait une BD sur Les pionniers du Nouveau Monde en 2014. André Juillard l'a fait également avec la série Plume aux vents. Voilà, on a rapidement fait le tour.


Vous travaillez essentiellement dans un style aquarelle, pourquoi?

P.P: L'aquarelle, je ne voulais pas la tenter il y a une quinzaine d'années. Je pensais que ça serait fastidieux. Mais en fait, je voyais et imaginais des ambiances que j'arrivais pas à rendre autrement que de cette manière. Et donc je me suis lancé dans l'aquarelle vraiment pour l'exploiter en BD. Ça m'a ouvert énormément d'horizon, d'ambiance, d'atmosphère, de profondeur. Je suis dans mon élément maintenant, je ne pense pas changer de style graphique. Je préfère laisser du flou dans mes illustrations et laisser l’imagination faire le reste.

Vous allez continuer à nous transporter en BD dans le nouveau monde?

P.P: Bien sûr! En ce moment, je travaille sur la véritable histoire de Pocahontas. C’est une personne qui a réellement existé au 17ème siècle. J'ai déjà fait une vingtaine de planches. J’ai lu de nombreuses fictions dessus, car c’est une histoire qui a souvent été racontée. Pour ma part, j'ai souhaité être au plus proche de la réalité historique, que ce soit pour les personnages ou les décors. La seule liberté que j’ai prise est d’avoir vieilli Pocahontas, car normalement, elle a entre 12 et 14 ans au début de l’histoire. Parfois, il faut plutôt se laisser porter par la légende pour que l'histoire reste agréable.

Vous vous documentez beaucoup pour coller à l'histoire réelle dans vos fictions?

P.P: C'est la partie la plus intéressante du métier. Avant de commencer un album, j'ai toujours une tonne de documentation. Dans mon travail, j'aime vraiment bien coller à l'histoire. C'est peut-être pour ça aussi que j'aime bien cette période du Nouveau Monde, parce que, dans le western, on a un peu plus de liberté tout de même, surtout si c'est dans le style le bon, la brute et le truand.

Dans votre carrière, vous avez surtout dessiné les grands espaces américains, c’est quelque chose que vous appréciez particulièrement?

P.P: J'aime beaucoup dessiner ses grands paysages d'hier, pas les États-Unis actuellement. J'adore les grandes forêts de conifères au Canada. Alors là, je suis en Virginie avec Pocahontas, du coup, j'ai été obligé de revoir un peu ma copie et faire des feuillus, on revient au souci du détail.


Vous réfléchissez vraiment aux détails quand vous dessinez?

P.P: Souvent, je rencontre des personnes en dédicaces, ou alors je reçois des courriers de lecteurs, qui m'assurent que ces détails, ça les séduit. Je me répète, mais c'est vraiment quelque chose que j'aime faire. Par exemple, les 3 bateaux pour envoyer en Amérique pour Pocahontas, à Jamestown, je les ai retrouvés. J'aurais pu faire n'importe quels bateaux, une majorité de personnes peut en avoir rien à faire que ce soit les vrais dessinés. Mais moi, ça me satisfait de garder cette réalité historique dans le dessin. Puis il ne faut pas oublier qu'il y a de nombreuses personnes qui s'intéressent à l'histoire et qui ont besoin de retrouver ces détails dans le récit et le dessin. J'ai déjà reçu des commentaires comme quoi il y avait des erreurs. Les férus d'uniformes sont très très pointus. C'est facile de se planter dans notre dessin. Sur la période de Pocahontas, je pourrais faire le drapeau britannique comme on le connaît aujourd'hui, mais non, à cette époque il n'avait pas les bandes rouges de la Croix de Saint-Patrick irlandaise. Quand on gratte, on trouve toujours un détail à ajouter ou améliorer.

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