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Alamänder, la fantasy autrement

Alamänder est l'adaptation en bande dessinée par Gihef et Marco Dominici de la série de romans "Le Cycle d'Alamänder" écrite par Alexis Flamand en 2011. Ce tome 1 devrait être suivi de 5 autres. Rencontre avec le scénariste, le dessinateur et le romancier.

Comment les éditions Kamiti vous ont-elles rassemblés Alexis, romancier, Gihef, scénariste et Marco, dessinateur, autour de ce projet d'adaptation d'Alamänder ?

Alexis Flamand : Pour la petite anecdote, c’était au salon de SF de Sèvres. Il n’y avait pas un chat et un gars vient nous voir au stand. C’était Jean-Christophe de Kamiti. «Bon bah voilà, je suis un petit éditeur, sur le cherche des bouquins a adapter.» Je me dis : « Mais oui, bien sûr mon canard ! » Parce que des gens comme ça j’en ai déjà croisé... Mais six mois plus tard : surprise !

Gihef : Jean-Christophe m’a envoyé le premier bouquin que j’ai aimé. C’est moi qui ai ensuite proposé Marco comme dessinateur. On a déjà travaillé ensemble sur plusieurs projets. Il avait reçu parallèlement une proposition pour travailler sur une série chez Soleil avec Jean-Luc Istin qui cartonne. Donc on a intérêt à ce que Alamänder marche bien !

Marco Dominici : Gihef m’a demandé si j’étais capable de dessiner dans un style cartoon. Avec nos projets, il connaissait davantage mon dessin réaliste. Alors je lui ai répondu que je pouvais dessiner dans tous les styles, ce qui n’est pas vrai, mais un pauvre artiste doit se vendre !

Alamänder T.1 - Mystère à la Tour de l'horloge

Alamänder T.1 - Mystère à la Tour de l'horloge © Kamiti, 2022

A. F. : Le dessin de Marco marche vachement bien. On est à mi-chemin entre le réaliste et le comics. Ça crée cette espèce de légèreté d’Alamänder tout en gardant le sérieux nécessaire pour l’histoire plus sombre de Maek.

Comment s'est déroulée votre collaboration ?

A. F. : C’était un vrai bonheur de bosser avec vous !

G. : J’aimerais pouvoir en dire autant ! (Rires). Non, ça fonctionne bien. C’est un vrai luxe de pouvoir travailler avec l’auteur dans le cas d’une adaptation.

A. F. : Quand j’ai commencé à discuter avec Gihef, il m’a dit : « Ce que j’espère faire, c’est être fidèle à l’œuvre d’origine. » On ne pouvait rien me dire de mieux. Je ne voulais pas m’en mêler parce que je considère que ce n’est pas mon boulot. Je trouve ça tellement sympa que le truc ait une vie après. Voir l’adaptation de son roman, c’est fabuleux. Ça m’a permis de visualiser mon univers et c’est mieux que ce que j’avais en tête !

Est-ce que Gihef t'a aidé, Marco, pour la réalisation du storyboard en tant qu'ancien dessinateur ?

M. D. : Gihef a évidemment essayé de me mettre des bâtons dans les roues de toutes les façons possibles ! Non, sérieusement, il m’a donné des conseils pour une page ou deux. En tout cas, c’est un vrai plaisir de travailler avec un scénariste qui est aussi dessinateur : il voit tout de suite ce qui est faisable ou non, il est plus habitué à repérer les erreurs…

G. : À partir du moment où j’ai décidé d’arrêter de dessiner, je ne dessine plus ! Parce que je sais que ça peut être très frustrant quand tu dessines d’avoir un scénariste au-dessus de l’épaule. Marco se débrouille mieux en français que moi en italien, mais il peut arriver qu’il y ait une incompréhension ou deux. J’ai un pote scénariste, Alcante, qui travaille souvent avec des dessinateurs étrangers. Il m’a raconté qu’un jour, dans un descriptif de case, il avait écrit « un ange passe ». Et le dessinateur a réellement dessiné derrière un ange qui passe !

Gihef, Marco Dominici : Alamänder, la fantasy autrement
Marco, tu travailles sur tablette graphique ?

M. D. : Oui, je travaille principalement en numérique, j’adore ce procédé. En général, je lis le scénario, puis j’aborde les pages une à une en faisant le découpage. Je l’envoie ensuite à Gihef et Alexis. Après avoir reçu leurs retours, je continue avec le crayonné que je leur renvoie et ensuite je commence l’encrage. Parfois je commence à faire le crayonné ou l’encrage avant même d’avoir leur réponse. En général, ils ne me demandent pas de grosses corrections et quand ils le font, la tablette permet de tout corriger facilement.

Gihef, comment adapte-t-on une série de roman-fleuve, de plusieurs milliers de pages ?

G. : Quand on lit un roman avec l’idée de l’adapter, on se l’imagine déjà un peu en image. Mais il arrive ce que j’imaginais n’était pas ce qu’Alexis voulait. On a beaucoup discuté. Parfois il me dit « attention, là il ne faut pas oublier qu’il se passe ça dans le livre suivant ». C’est quand même assez confortable de travailler avec lui, ça évite de se planter. Et je voulais garder l’essence de son univers. Je sais que quand tu écrivais cet univers, Alexis, c’était pour faire quelque chose de différent, pas une histoire avec des elfes et des sorciers partant dans une quête.

Quelles sont tes influences en Fantasy Alexis ? J'ai senti quelque chose de la Quête de l'oiseau du temps, mais je vois aussi dans la bibliothèque, derrière toi, du Philip K. Dick...

A. F. : La Quête de l’Oiseau du Temps, c’est un beau compliment! La mythologie des personnages est fabuleuse, leur alchimie aussi. Je suis un gros lecteur à la base de SF, moins de fantasy. J’adore Jack Vance. J’aime aussi Roger Zelazny, Les Princes d’Ambre et aussi Le Cycle des épées de Fritz Leiber. J’adore parce que les personnages sont profondément humains, ils ont leurs qualités et leurs défauts, mais ils vivent des choses extraordinaires. L’héritage de Alamänder est là. Jonas n’a rien d’un héros, c’est un intellectuel qui aime bien ses bouquins. La faille est plus intéressante à explorer qu’une surface lisse, qu’un héros parfait comme Conan.

Alamänder T.1 - Mystère à la Tour de l'horloge

Alamänder T.1 - Mystère à la Tour de l'horloge © Kamiti, 2022

Quels sont tes modèles, Marco ?

M. D. : C’est surprenant, je sais, mais mon modèle c’est l’univers créé par Tolkien ! Il a vraiment défini un genre. Même si je suis inspiré par ce genre, je préfère tenter de nouvelles choses. Donc j’essaie d’oublier ce que j’ai déjà vu et je tente de créer mon univers personnel. Oui je sais, je suis très ambitieux ! Personne n’est parfait. Graphiquement, j’ai beaucoup trop d’influences ! Récemment j’ai regardé avec beaucoup d’admiration le travail de Loisel, Barbucci, Kim Jung Gi, Bertolucci F., Meyer, Lauffray... Mais je découvre chaque jour un nouvel auteur à admirer et duquel je peux m’inspirer, voler un petit quelque chose. Parfois, je vois une BD que j’aime et je me dis «je veux faire quelque chose comme ça», alors j’essaie de reprendre ce style, mais je finis à chaque fois par suivre mon instinct et par faire quelque chose d’autre.

Alamänder tranche avec le genre par bien des aspects, mais la Fantasy est encore un genre très masculien...

G. : C’est ce que j’ai fait comme remarque dès le départ. Il faudrait quand même des femmes, non ? Alors mon idée était de faire d’un des deux soldats une femme, notamment Edrick. Mais Alexis m’a dit que des personnages féminins arrivent plus tard dans l’histoire… Il faut être patient !

A. F. : Clairement, c’est un roman masculin… pour des raisons scénaristiques. Et je me suis rattrapé avec les deux personnages féminins forts par la suite : notamment Rachel. Elle crève l’écran ! Vous verrez !

Ce premier tome est un beau mélange d'humour et d'action, avec une écriture particulièrement soutenue...

G. : C’est atypique parce qu’Alexis a une écriture atypique ! Des fois je me disais « Ah ouais ! Il utilise des mots que je ne connaissais pas ! » Il y a déjà beaucoup d’humour dans les romans. Il y a des choses que je me suis forcé à garder parce que ça me faisait rire. J’ai essayé de remodeler des scènes pour garder les gags. Et puis j’en ai aussi modifié quelques-uns. Alexis m’a dit une fois : « il est bien ce gag ». Et je lui ai dit : « oui, il n’est pas de toi » ! (Rires)

A. F. : Ce n’est pas facile d’adapter l’humour d’un roman qui est basé sur des dialogues et de la répartie : parce qu’il n’y a rien de visuel. Chapeau les artistes !

Gihef, Marco Dominici : Alamänder, la fantasy autrement
On suit deux trames en parallèle dans ce premier tome, dont une avec un narrateur.

G. : Comme les deux trames se passent à deux époques très différentes, huit siècles les séparent, c’était pour éviter une confusion. Dans un roman, on peut passer d’une époque à l’autre facilement, mais en BD on risque de perdre le lecteur. Le but, c’était de raconter l’histoire de Maek comme on raconte une légende au lecteur parallèlement à l’action où on suit l’enquête de Jonas Alamänder.

A. F. : J’avais trouvé ça très habile parce que ça crée une dichotomie entre la narration de Jonas et celle de Maek où c’est le narrateur qui raconte. De la même manière qu’il y a un écart entre les personnages, il y en a un entre les narrations. La BD commence avec l’histoire de Maek...

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