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Gaël Séjourné : immersion dans l’atelier vendéen du dessinateur de BD

C’est dans sa maison en Vendée que le dessinateur nous reçoit. Environnement de travail, objets, livres, matériel, l’auteur se confie sur ses ambiances de travail.

Gaël, où se situe votre espace de travail ?

Gael Séjourné : Il est installé dans la pièce principale de la maison. Comme je suis salarié à 80 % dans une entreprise, quand je rentre du travail pour me mettre à la BD, je n’ai pas envie de m'isoler davantage. Travailler dans la pièce principale me permet de rester présent pour mes enfants, d'être accessible, tout en continuant à avancer. Et comme je n'ai pas besoin d'une concentration extrême, ça me va très bien.

Vue d'ensemble de l'atelier de Gael Séjourné, dans sa maison en Vendée

Atelier de bande dessinée de Gaël Séjourné dans sa maison en Vendée, où il crée ses albums BD. ©ZOO Le mag

Vous n'avez jamais rejoint un atelier collectif ?

G.S : Non, jamais mais Serge Perrotin me l'avait proposé, au début des années 2000, il avait dit que ça serait sympa qu'on ait un atelier avec vu sur la mer. Mais ceux qui intègrent ces espaces travaillent souvent à temps plein dans la BD. Moi, après une journée en open-space, je préfère rester chez moi à dessiner. Et puis, cela aurait rogné sur mon temps avec mes enfants.

Comment gérez-vous la concentration avec la vie de famille autour ?

G.S : Je n'ai pas besoin d'être hyper concentré pour dessiner ou faire de la mise en couleur. C'est plus quand je réfléchis à un scénario, ce que je n'ai quasiment jamais fait, à part pour Marée Blanche, chez Delcourt, où j'ai réussi. L’idée me tracassait depuis un moment, de faire un album tout seul.

Gael Séjourné travaillant sur sa tablette graphique

Gaël Séjourné dessinant une planche de BD sur sa tablette graphique avec le logiciel Krita.©ZOO Le mag

Vous travaillez en musique ou dans le silence ?

G.S : Pendant longtemps, j'ai écouté beaucoup de musique, principalement du blues et de la soul. Mais depuis Marée Blanche, j'ai réalisé que je ne mettais plus de musique. Aujourd'hui, je travaille plutôt en silence, avec les bruits de la maison en fond. Ce n'est plus un réflexe d'allumer la musique.

Est-ce que vous avez besoin d'un rituel pour vous mettre sur la planche à dessin ?

G.S : Pas du tout. Dès que j'ai un moment, je m'y mets. Avant, quand je bossais à plein temps, je devais être efficace. Quand j'avais deux heures, je ne pouvais pas me permettre de les perdre avec un rituel. Aujourd'hui encore, je m'assois et je commence. Le rituel, c'est de m'asseoir.

Gael Séjourné feuillante une BD de sa bibliothéque

Gaël Séjourné présente sa BD "La dernière CroiZAD", réalisée avec le scénariste Philippe Pelaez.© ZOO Le mag

Et autour de vous, est-ce que dans cet espace de travail, il y a des choses qui sont importantes ? Bibliothèque, photos d'enfants, etc. Est-ce qu'il y a des objets qui vous permettent de vous mettre dans un processus de création ?

G.S : Oui, sans doute. Par exemple en vacances, je dessine beaucoup moins. Quand je suis sur un coin de table, sur une table de camping, j'ai moins envie. Est-ce que c'est la météo ? Le lieu ? Le fait de ne pas être entouré de mes objets habituels ? Je ne sais pas. Mais clairement, je dessine mieux chez moi, tranquille.

Vue d'ensemble de la bibliothèque de Gael Séjourné

Bibliothèque de Gaël Séjourné remplie de BD, dictionnaires et ouvrages de référence pour son travail de dessinateur. © ZOO Le mag

Il y a d'autres objets importants sur votre table de travail ?

G.S : Oui, un vieux dictionnaire encyclopédique de 1947, celui de ma mère. J'adore ça. Quand j'étais gosse, j'avais toujours un dictionnaire sur ma table de chevet. Parfois, je lisais ça au lieu d'un roman. Il y a des mots et des définitions qu'on ne trouve plus aujourd'hui. Le petit singe est un clin d'œil aux Animaux dénaturés de Vercors. Il me rappelle qu'on reste des animaux, un peu dénaturés certes, mais pas si différents.

. Le petit singe est un clin d'œil aux Animaux dénaturés de Vercors présent sur le bureau de Gael Séjourné

Objet fétiche de Gaël Séjourné : un petit singe en référence aux "Animaux dénaturés" de Vercors, posé sur son bureau de dessinateur. © ZOO Le mag

Est-ce que vous dessinez à l'extérieur ? Croquis, recherches de personnages ? Est-ce que vous vous inspirez dans les cafés, sur la plage ?

G.S : Non. Je ne suis pas du genre à avoir un carnet de croquis. Même pour dessiner un arbre, je pars d'une photo. Sinon, on finit par refaire toujours le même. Et quand je me promène avec ma femme, je ne vais pas lui demander d'attendre pendant que je dessine. Je prends une photo, et je dessine chez moi. C’est vrai, en me baladant sur le remblai des Sables d’Olonne, je vois des silhouettes intéressantes, des trucs improbables, des personnages... Parce qu'on a beau dire, on a beau avoir de l’imagination, il n'y a rien de tel que la réalité pour nous montrer des choses qu'on n'aurait même pas imaginés. Autant pour les arbres que pour des trognes, des façons de s'habiller, des allures, des façons de marcher.

Où trouvez-vous votre documentation ?

G.S : Je prends des photos ou je cherche sur Internet. Pour la nature ou les postures, je tape par exemple "homme assis en train de boire" sur Google et je compare les images. Ainsi je visualise mieux ce que je dois dessiner.

Vous avez une bibliothèque de références ?

G.S : Pas vraiment. Quand je suis passé du style "gros nez" au style réaliste pour Lance Crow Dog, je me suis basé sur des catalogues comme La Redoute ou des banques d'images. J'aurais peut-être gagné du temps en m'inspirant de dessinateurs comme ceux de Largo Winch, mais je préférais partir de la réalité et arriver à mon propre style.

La part de recherche sur Internet est importante dans cette recherche graphique ?

G.S : Oui, surtout pour les décors. J'ai quelques livres photo, mais Internet me sert beaucoup. Et pour les positions des personnages aussi : plutôt que d'utiliser un mannequin en bois, je cherche une photo.

Carnet graphique de Gael Séjourné

Carnet graphique de Gaël Séjourné regroupant ses croquis et recherches pour ses projets BD. © ZOO Le Mag

Comment utilisez-vous l'informatique dans votre travail de dessinateur ?

G.S : Je travaille maintenant tout le temps sur l'informatique, surtout depuis Les Fesses à Bardot, je dessine avec une tablette graphique. Comme c'était un roman graphique de 150 pages, la tablette m'a fait gagner un temps fou. J'utilise le logiciel gratuit Krita pour dessiner, que je trouve très bon. Ensuite, je passe sur Photoshop pour les bulles, les textes et la mise en page.

Quels avantages techniques vous offre l'informatique ?

G.S : Je peux utiliser l'effet pinceau alors qu'en vrai, je suis incapable de m'en servir. Et je retourne souvent mes dessins à l'envers ou la tête en bas pour les vérifier. À l'envers, c'est comme si je voyais le dessin de quelqu'un d'autre, donc j'ai plus de recul pour repérer les erreurs : un œil trop haut, une oreille trop petite, une asymétrie…

Ouvrage

Le livre "Les animaux dénaturés" de Vercors, source d’inspiration littéraire pour le dessinateur Gaël Séjourné.© ZOO Le Mag

Gardez-vous des originaux ?

G.S : Non pas vraiment, enfin si, j'ai encore des croquis faits à la main, surtout pour les recherches de personnages. Je les scanne ou les photographie, puis je les retravaille sur l'ordinateur.

Qu'est-ce qui est vraiment important pour se mettre à dessiner ?

G.S : Je ne sais pas, ce ne sont ni les outils ni même l'ambiance, je crois que c'est la manière dont je m'extrais de la réalité. Quand je ne dessine pas, je pense trop à la vie, aux contraintes. Le dessin me permet de fuir, comme un enfant qui joue. Même à presque 60 ans, j'aime toujours être tranquille chez moi, à dessiner dans ma bulle.

Bureau de Gael Séjourné

Bureau de travail de Gaël Séjourné, dessinateur de BD installé en Vendée. © ZOO Le Mag

Vous avez de nombreux dessins de collègues autour de vous. Est-ce important ?

G.S : Oui. Ce sont un peu mes "étoiles inaccessibles". J'ai des originaux ou des impressions de François Boucq, Emmanuel Guibert, Marini... Et dernièrement, j'ai découvert Julien Telo avec Les Gorilles du Général. Ça faisait longtemps qu'un album ne m'avait pas fait autant plaisir. Graphiquement et narrativement, c'est très fort.

Dessins des collègues dessinateurs de Gael Séjourné

Dessins et œuvres de collègues dessinateurs affichés dans l’atelier de Gaël Séjourné, parmi ses sources d’inspiration. © ZOO Le Mag

Gardez-vous certains livres à portée de main ?

G.S : Oui, des ouvrages sur les jeux de mots, les chansons, les Indiens d'Amérique du Nord, le blues, les films noirs... J'aimerais faire une BD sur le film noir un jour. Et puis il y a Brassens, et la guitare.

Bibliothèque de Gael Séjourné

Bibliothèque de Gaël Séjourné, riche en BD, romans noirs, livres de musique et références graphiques.© ZOO Le Mag

Vous prenez le temps de jouer de la guitare ?

G.S : Pas assez. Je me dis que je m'y remettrai à la retraite (rires). Pour l'instant, la BD, c'est comme un marathon : je ne m'arrête pas en chemin. Quand j'arrive au bout, seulement là, je souffle. Et je reprends la guitare.

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