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Le Marsu "vu par" (1/2) : Frank Pé

Frank Pé a proposé en compagnie de Zidrou sa vision du Marsupilami, dans le Bruxelles des années 50. Le dessinateur, reconnu pour son grand talent de dessinateur animalier (et de dessinateur tout court) était dans son élément pour traiter le sujet. Rencontre pour évoquer un animal qui existe réellement, nous n’avons aucun doute à ce sujet !

La Belgique de votre enfance, la Bruxelles de votre enfance, c’est quoi avant tout?

Frank Pé : En quelques mots, lisez La Bête tomes 1 et 2…

(J'ai lu.)

F.P. : …Et vous verrez que c'est la Belgique de mon enfance. C'est une Belgique encore assez triste, sortant de la guerre. Les gens sont encore meurtris même s’ils ne le disent pas. La guerre n’est pas loin, on doit reconstruire l'économie, donc tout le monde repart à zéro. Et la modernité n'est pas encore là, elle viendra deux ans plus tard avec l'expo de 58 de Bruxelles, avec le style Atome que tout le monde connaît. Mais on est avant ça. Et dans cette Belgique là, il y a beaucoup de bâtiments qui n'ont pas été restaurés, qui sont gris, qui sont noirs. Les rues ne sont pas encore transformées pour faire passer la jonction Nord-Midi, la jonction ferroviaire entre les deux gares. C'est encore un Bruxelles dont je me rappelle bien : quand j'étais gamin, c'était comme ça. Et j'ai voulu rendre ce Bruxelles-là parce que ce sont mes plus vieux souvenirs de lieu, d'ambiance. Et je suis sûr que quand on dessine quelque chose qui a des racines aussi profondes, on peut aussi toucher les gens avec ces émotions-là. C'est quelque chose que j'avais déjà expérimenté avec Broussaille dans Les baleines publiques. Et j'étais persuadé que ça marchait. Et tôt ou tard un auteur essaie de retrouver ses racines.

Finalement François, c'est vous enfant (vous avez déjà dit ça, je l’ai lu) est-ce que vous avez dit parfois face à telle séquence écrite par Zidrou : Ben là, non, je n'aurais pas agi ainsi. J'aurais fait autrement.

F.P. : C'est moi métaphoriquement. Ce n'est pas moi « moi, je ». J'ai des points communs avec Franz (François), les animaux etc. Mais contrairement à lui, je ne recueillais pas toutes les bestioles amochées. Ma mère ne m'en voulait pas de ramener des bêtes à la maison. Enfin, si, quand même, mais c'était un peu plus tard. C'est quand j'étais ado que j'ai ramené des bêtes, pas tellement enfant. Il y a la distance de la fiction, évidemment. Et je suis tellement complice avec Zidrou sur l'histoire qu'il raconte. Donc je suis le petit Franz. Je me glisse dans sa peau mais je ne m'identifie pas vraiment à lui en permanence. Je le sens bien. Voilà, c'est ça qui est important.

Extrait de La Bête T.1 (2020)

Extrait de La Bête T.1 © Dupuis 2020.


Est-ce que c’est une base sur laquelle vous vous êtes appuyé pour dire à Zidrou : dans le tome 2, j'aimerais que ce soit un peu plus ceci, un peu moins cela ? Est-ce que c'était interactif entre vous deux ? Ou est-ce que c'est resté sur les rails ?

F.P. : On a parlé de certaines choses, par exemple le cryptozoologue, inspiré de Bernard Heuvelmans. Je ne suis pas sûr que Zidrou le connaissait à la base, mais on en a beaucoup parlé et c'est un personnage qui m'avait déjà passionné bien avant. Notamment son fameux bouquin L'homme de Néandertal est toujours vivant, sur le Yéti. Et Zidrou a tout de suite vu le potentiel romanesque du personnage. Il l'a rendu un peu burlesque comme un méchant, un peu ridicule, ce qui convenait parfaitement à l'histoire. On ne voulait pas un vrai méchant, parce que le modèle de l'histoire pour Zidrou, c'était E.T. Donc une bête bienveillante finalement. Une rescapée dans le monde des hommes où elle n'a rien à faire. Et les seuls méchants, ce sont les policiers, les militaires, ce genre de gens qui ne comprennent rien à rien, qui sont toujours à faire régner l'ordre mais qui passent à côté des choses, et surtout du monde des enfants.

Extrait de La Bête T.2 (2023)

Extrait de La Bête T.2 © Dupuis 2023.

Vous êtes connu pour votre art dans la représentation des animaux. Là, vous représentez beaucoup la ville. Est-ce que vous aimez dessiner la ville ?

F.P. : Oui, Bruxelles, j'aime bien. C'est toujours un peu fastidieux. Je tire la langue parce que ça prend du temps de dessiner des rues, des fenêtres, des toits. Ce n'est pas forcément passionnant, de faire ça, c'est plus une satisfaction globale d'ambiance. Ce que je recherche là-dedans, c'est l'impression globale. C'est pour ça aussi que je joue beaucoup avec les verticales, avec la perspective qui n'est jamais vraiment juste mais qui est tordue volontairement pour aller dans un sens d'émotion, de ce qu'on peut ressentir dans telle situation, dans tel contexte. Ça, ça me plaît beaucoup.

Donc, oui, je me base sur la documentation. Des choses peuvent être très réelles : quand je dessine la rue Royale à Bruxelles, devant le Palais Royal. C'est vraiment comme ça, mais je vais peut-être déplacer l'entrée du parc ou agrandir une maison ou la réduire pour que l'image globale se renforce dans la direction de l'émotion que je veux développer. Et ça, j'y tiens beaucoup. Finalement, le travail sur les décors est un moyen narratif comme un autre. C'est comme un réalisateur de cinéma qui dirait à son chef décorateur : « Écoute, là, recule-moi tout ce pâté de maisons de 10 mètres parce que je trouve qu'il prend trop de place dans la scène et je voudrais que le gros plan du héros soit plus présent. ». Le chef déco, il fait : Il met le décor sur roulettes et il le recule de 10 mètres. Et moi je suis capable de faire ça sans que ça ne coûte rien.

Ça, c'est bien ! Avez-vous suggéré à Zidrou qu’après la pluie du tome 1, vous aimeriez la neige du tome 2 ou est-ce que c'est son idée à lui ?

F.P. : Non, ça, c'est une sorte de travail alchimique du raconteur d'histoires. Il a comme ça toute une série de trucs dans sa besace. Et ce sont des trucs vieux comme le monde. Il y en a beaucoup. Et il va puiser là-dedans pour raconter son histoire au mieux. Et l'arrivée de la neige, ça s'imposait. Quand on lit l'histoire, on se dit : ah ouais, ça colle tellement bien avec toutes les situations qui s'enchaînent et ça permet ceci-cela… Donc ça, il l’anticipe, il le sent, il va chercher la neige dans sa besace et il la met dans l'histoire. C'est une logique de narrateur.

Mais je n’avais pas de désir particulier sur la neige. Sur la pluie, oui. Sur le gris, oui. Et aussi sur le contraste de la fin. C'est à dire que quand l'histoire va vers sa conclusion, c'est une demande que je lui ai faite qu’il y ait au moins quelques pages où le ciel soit totalement bleu, qu’il y ait des feuilles sur les arbres. Qu'on soit heureux dans une nature généreuse pour vraiment mettre en valeur toute la grisaille qu'on a vue pendant 300 pages. C'est une histoire de contraste, c'est toujours la même chose, il faut du contraste.

Et les pages de la fin, quand le bateau va vers la Palombie, remonte le Rio, ce n'était pas dans le scénario. Je les ai ajoutées parce que je trouvais que c'était important d'aller jusqu'au point ultime qui bouclait la boucle de sa capture. C'est sûr que l'histoire commence dans le port d'Anvers, au départ. Lui, Zidrou a terminé son histoire au port, quand le Marsu s'en va sur la mer. Et moi je trouvais que comme le lecteur avait imaginé quand même sa capture en Palombie, c'était important qu'on aille jusque-là pour lâcher toutes les tensions, et aller vers une nature vraiment merveilleuse. La Palombie, intouchée. Un documentaire de David Attenborough. Là où les animaux sont heureux, enfin !

Et si vous aviez dessiné dans un papier de Broussaille à la fin des années 70 un marsupilami comme si c'était Broussaille qui observait le Marsu, aurait-il ressemblé à ce Marsu là ?

F.P. : A cette époque, j’ai dessiné quelques Marsus en hommage à Franquin, par exemple pour un anniversaire dans le journal. Ce n’est pas facile de dessiner un Marsu réaliste. Donc j'ai approché ça mais sans vraiment trouver de bonnes solutions. Et là, pour La Bête, j'ai vraiment dû travailler pour le trouver. Ce n'est pas venu du premier coup : le corps, ça allait, mais la tête, ce n’était vraiment pas évident.

Non, ce n’est pas facile et on peut aussi voir par exemple dans le travail qui a été fait sur le film d’Alain Chabat, qu’il y a toute une série d’auteurs de BD qui ont planché sur le visuel d'un Marsu plus réaliste que celui de Franquin. Et il y a des grands auteurs, il y a Liberatore, des gens comme ça. Eh bien, il n’y en a aucun qui m'a semblé satisfaisant. Parce que soit ils étaient trop peluches, ce qui était d'ailleurs la solution retenue par Chabat ou en tout cas ses producteurs. Soit ils étaient trop inquiétants et ce n’était pas le caractère qu'on connaît du Marsu. Moi, je voulais un Marsu sauvage, crédible, réaliste mais en même temps qui collait immédiatement à l'évidence avec le Marsupilami de Franquin. Et ça, ce n’était pas facile, sans qu'il fasse des grands Houba Houba gentils avec un grand sourire. Au contraire, il est même assez sérieux, assez menaçant parce qu'il est lui-même menacé.

Donc non, ce n'était pas facile mais à un moment je l'ai trouvé quand même. Bon, si je me suis attelé à ça, c'est parce que je pensais que j'allais trouver. Et puis j'ai quand même déjà fait mon petit tour de piste en dessin animalier, donc j'ai de la ressource, on va dire. J'ai de la doc, je sais où aller. Et il fallait trouver sa définition, comme on fait un model sheet en dessin animé. Mais il fallait aussi trouver comment il bougeait, quel était son rythme, quelles étaient ses expressions dans toutes les situations. Ça aussi, ça me demandait un petit travail, parce qu'il faut qu'on s'y attache, qu'on croie que c'est un vrai animal.

Il y a toute une séquence en silhouettes noires qui est très chouette. Je ne vais pas aller chercher la métaphore des Idées noires mais est-ce que vous y avez pensé en dessinant cette scène ?

F.P. : Non. C'est le genre de choses qu’on ne peut pas faire parce que ça ferait passer un clin d'œil avant l'histoire. Ça, c'est un péché capital ! Toujours l'histoire d'abord. Mais à partir du moment où Zidrou me dit : « Voilà, on va le faire entrer de nuit dans les magasins Waucquez, qui sont devenus le Centre Belge de la BD », je me frotte les mains et je me dis : « Oh, super, on va faire le contraire d'un grand show spectaculaire. Oui, les magasins Waucquez sont très beaux, mais on va les montrer de nuit donc on va plus suggérer que montrer. Et ça, ça m'intéressait. Donc, on tombe sur des silhouettes noires la nuit. Et ça rappelle... Mais c’est tout. En même temps, ce ne sont pas des gags, ce n’est pas noir, Franquin n’intervient pas. Ce n’est pas parce qu'on fait des silhouettes noires la nuit qu'on fait des Idées noires.


Franquin n’intervient pas mais on le voit quand même dans l'histoire. En plus, il s’appelle Boniface. Or Franquin a été au collège Boniface. Je pense que ce n’est pas par hasard !

F.P. : Oui, l'instituteur Boniface, lui, par contre, c'est un vrai travail de métaphore du vrai Franquin : c'est-à-dire que ce n’est pas un dessinateur de BD qui est dans notre histoire, c'est un prof qui adore les enfants. Un prof qui est fasciné par le rire au point d'essayer de capturer le rire absolu, ce qui correspond bien à Franquin qui était obsédé par le gag ; et c'est un amoureux transi, c'est un tendre !

J'étais choqué que la mère de François préfère le militaire.

F.P. : Ah ouiiii. Ce n’est pas juste, hein !

C’est un cœur d’artichaut. Elle fait les mauvais choix, elle le sait mais elle ne peut pas s’en empêcher !

F.P. : Voilà, exactement ! Zidrou avait écrit une fin où c’est Boniface qui « emporte le magot », et il m'a dit : « Ecoute, non, j'ai été obligé de la jeter et de la réécrire, où c'est le gendarme, parce que c'était vraiment trop sucré, c'était trop attendu et pour faire une bonne histoire, il faut une dose d'amertume, une petite larme qui coule un moment. ». Et je crois qu'il avait vraiment raison, il connait son métier.

Il y a dans l’album une chute du Marsu sur quatre pages, un ralentissement qu’on n'aurait pas vu dans une BD avant. Outre le fait que l’on peut avoir droit à plus de pages qu’avant dans un album, pensez-vous que ce type de séquence est dû à l’influence du manga sur la bande dessinée européenne ?

F.P. : C'est une évidence et on me le ressort tout le temps. De moi-même, je dis : Mais oui, la lecture manga a amené un autre rythme de lecture. Mais si j’y réfléchis vraiment, ce n’est pas comme ça que ça s'est passé. Ce qui s'est passé, c'est que j'ai voulu donner une force maximale au dessin narratif. Donc pas au dessin dans le sens « une belle image illustrative » mais un dessin avec une puissance dans l'histoire, pour raconter l'histoire encore plus fort que d'habitude, tellement j'avais envie de convaincre le lecteur.

Et ça m'a amené à faire des cases beaucoup plus grandes : passer aux trois bandes par planche, voire aux deux bandes ou à une bande. Mais aussi à avoir des temps qui soient dilués ou concentrés. En fait, ça vient plus de mon souci de convaincre ; et c'est vrai que je tombe sur les mêmes moyens que les mangas, que je lis aussi. Alors, démêler l'inconscient de ce que j'ai capté ou de ma volonté, je ne sais pas trop. Mais en tout cas, ça ne va pas dans une hybridation. Je reste bien dans la BD franco-belge. Mais j'essaye de moderniser le langage. Je suis cinéphile et j'adore me mettre au premier rang et être dans le film. Et c'est aussi pour ça que je fais ressortir souvent les têtes des personnages dans la case d'en haut parce que ça lui donne une présence sans gêner la composition de la case, ça le met en avant-plan. Et jouer avec ça, c'est très efficace.

Je me rappelle, dans les années. 60-70-80, on réinventait la BD en sortant des cases, en faisant exploser les cases. Bon, c’était bien, c'était intéressant et Winsor McCay l’avait déjà fait, d'ailleurs. Mais à cette époque-là, on avait plus un souci graphique. Et ça, ça ne m'intéresse pas beaucoup. Par contre, si on l'emploie dans un but narratif, là ça devient beaucoup plus intéressant, parce qu'on ne sort pas le lecteur de son histoire. Au contraire, on renforce son attention. Beaucoup de gens me le disent, après la lecture, donc ça marche. Je suis très content. Je vais continuer dans ce sens-là.

Et le fait qu'il y ait un lion de pierre qui voit le Marsu chuter, est-ce qu'il y a un symbole ? C'est la monarchie qui regarde le peuple s'écraser ? Ou est-ce juste un contrepoint visuel ou autre chose encore ?

F.P. : Pour moi c'était : il y a la page de gauche où c'est le marsupilami qui vient de tomber et il est au pied des roues du tram qui sont dessinées dans le détail. C'est comme si la mécanique et l'industrie des hommes était une des causes de la chute du monde animal. Vous voyez, l'animal écrasé par l'industrie humaine. Ça c'est le symbole de cette page et c'est pour ça qu'elle prend autant de place parce que c'est un moment où on peut s'arrêter, s'interroger. Et en face de cette page-là. Il y a un zoom arrière. Le lion qui existe, qui est sculpté, c'est un symbole royal, etc. D'accord, mais c'est quand même un lion, c'est-à-dire, c'est un animal sculpté par les hommes. Il assiste à cette scène. Enfin, ce n’est pas un vrai lion, c'est le symbole de la royauté animale qui est là, à côté de ce drame. Et je laisse le point d'interrogation au lecteur en disant : Que pense le lion ? Que pensez-vous de cette scène, de cette rencontre entre des dimensions différentes ?

Voilà, c'est ça qui me plaît. Donc c'est une démarche poétique, finalement. Dans un temps arrêté parce que le Marsu, il est considéré mort et donc tout s'arrête. Et je redémarre en tournant la page, tous les personnages de la scène se rapprochent du Marsu mort sur une double-page. On tourne la page, et l'histoire redémarre. Le temps reprend son cours et on suit le scientifique, etc. Donc tout ça est très minutieux, Monsieur ! C'est un grand plaisir de faire ça.

Et quand on voit Leykip, Bora qui doit être Roba, ça c'est Zidrou qui joue ou c’est vous ?

F.P. : C’est moi ! On est deux à jouer à ce genre de trucs !


Il y a aussi le contrôleur du tram, évidemment. Ça ce sont des clins d'œil que le fan de BD va capter, c'est du plaisir.

F.P. : On était presque obligés, avec le tram.

Heuvelmans, c’est un clin d’œil directement à lui ou à Tintin au Tibet ?

F.P. : Non directement à lui. Sachant que tout ça se recoupe. Heuvelmans était au croisement de plein de choses en Belgique. Et pas qu'en Belgique, d’ailleurs. C'était un vrai personnage romanesque. C’était un très grand musicien de jazz, par exemple, adoré par les Américains. Il était très anarchiste aussi, politiquement. Très reconnu par ses semblables scientifiques pour son étiquette de biologiste. Par contre, pas forcément suivi en tant que cryptozoologue. Il était en avance sur son temps, en fait.

Le cœlacanthe, c’est lui qui l’a découvert ?

F.P. : Non, mais il aurait bien voulu ! Et il y a plein d’autres exemples ! L’okapi, ça aurait pu. Voilà un animal dont on a d’abord trouvé des traces, et quelques années après, on a trouvé l'animal. Beaucoup plus récemment, le saola, qui est une antilope de cette taille-là (c'est au garrot, donc c'est une grande bête !) qu'on ne connaissait pas du tout et qu'on a découverte en Asie du Sud-Est. Heuvelmans aurait pu tout à fait la découvrir.

Et Cola-cola, pourquoi le surnommer comme ça ? Est-ce encore un symbole de Zidrou ?

F.P. : Non, c’est parce que Zidrou connaît la langue espagnole et ça sonne bien.

Une phrase m’a fait rire : « Nourri, logé, blanchi, célibataire, donc par définition heureux ». C'est un cri du cœur du scénariste, du dessinateur ?

F.P. : Non, c’est pour montrer que ce personnage est misogyne, il se plaint de sa femme qu’il traite de Hitler. C’est aussi de cette époque-là. Ça fait partie de la fresque temporelle. Si vous écoutez Brel, Brassens et ces gens-là, ils étaient misogynes. Les femmes à la cuisine, on aime bien les basculer dans les coins mais quand même, chacun à sa place ! Ça c'est terrible, quand on se rend compte de ça, les temps ont bien changé.

Et les jeux de mots avec la queue, la queue molle qui ne se relèvera pas…

F.P. : Ça, c'est le côté potache de Zidrou. Il se dit : avec une queue pareille, je ne peux pas passer à côté des bons gros gags, à condition que ce ne soit pas le temps principal du récit. Ce sont des petites ponctuations comme ça, qu’il se permet. Et ça fait rire très fort les gens qui aiment ça, sourire gentiment les autres, et c'est tout. Il tient beaucoup à ce côté potache. C'est parce que c'est aussi sa manière d'être politiquement incorrect dans une époque qui voudrait que tout soit, oh mon Dieu, ô combien sur les rails. D'ailleurs, on a une grande chance d'avoir pu écrire une histoire avec le Marsupilami alors que nous ne sommes pas des Marsupilamis nous-mêmes !

Pas faux, à l'époque d’aujourd'hui, c'est ça.

F.P. : Il n’y a que les Marsus qui pourraient dessiner ça, normalement !

Mais vous êtes un peu Marsu, peut-être sur les bords…

F.P. : Ne le dites pas trop !

Finalement, est-ce que François pourrait être Noé plus tard, parce qu’il parle d’arche de Noé, il aime les enfants… Est-ce que, quand il devient grand, ça pourrait être lui, Noé ?

F.P. : C'est ce que sa mère a déjà vu en lui. Elle dit : « Oui il a transformé ma maison en arche de Noé ! » Qu'est-ce qu’il devient plus tard ? Je n’en sais rien du tout. Les gamins peuvent aussi aller dans le sens contraire, un moment, ou au contraire c'est une vocation. Et puis, qu'est-ce qu’il serait, aujourd'hui ? Activiste écolo ? Je ne sais pas...

Vous pensez donc faire d'autres albums à une autre époque avec le Marsu…

F.P. : Oui. La Bête devient le titre d'une série. Il y aura un sous-titre à chaque fois et ce sera un autre lieu, une autre époque, mais toujours la même espèce, qui est le Marsupilami… ou la Marsupilamie, d’ailleurs. Ou un Marsu noir. Puisque l'espèce existe, on en est certain maintenant, eh bien, allons-y !

Et vous savez quelle sera l'époque du prochain ?

F.P. : On a déjà commencé à travailler sur le tome 3. Mais il faudra me payer vraiment très très cher pour…

Je n’ai pas de budget…

F.P. : Non, on ne négocie pas là-dessus !

Autre chose, alors : le marcassin est très sympa. Est-ce que vous n’auriez pas envie d'en faire quelque chose ?

F.P. : Non. Il est très sympa, mais il a grandi à la fin de l'histoire ; c'est devenu quand même une sorte de sanglier lourdingue. Pas très gérable. Les petits cochons, les marcassins, comme animal de compagnie, c'est un grand classique, dans la BD : Les Innommables, par exemple.


Bien sûr ! Raoul !

F.P. : Quand on cherche un animal de compagnie à un personnage, et qu'on veut être un peu original, on n'a pas mille choses à sa disposition : un écureuil, c'est pris. Un chat ou un chien, c'est trop classique. Un oiseau, c'est déjà vu aussi. Ou alors on va vers l'exotique… Mais un petit cochon, c'est bien, c'est rigolo, rondelet, adorable quoi !

Entretien réalisé en octobre 2023 à Saint-Malo , à l'occasion de Quai des Bulles.

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