En 2010, La Petite Mort apparaissait au détour d’un post sur badstrip. Cinq ans plus tard, le deuxième tome est sorti en librairies. Davy Mourier revient avec nous sur la création de la Petite Mort et ses futurs projets sur papier et sur écran !
Méchant comme un adulte
Comment est né ce projet ?
Davy Mourier : La Petite Mort est née plusieurs fois. En 2009, mon père a fait un AVC. Pendant trois jours, les médecins ne pouvaient pas dire s’il survivrait. Trois jours de doute sur la vie de quelqu'un, ça paraît très long. Donc j’avais envie de dessiner la Mort mais je n’arrivais à dessiner qu’une petite Mort !
Mon père est allé mieux et le personnage est resté. J’en ai posté une histoire sur mon blog et très vite, on m’a réclamé la suite. Donc j’ai fait une suite et rapidement en dédicace, les gens voulaient des dessins de la Petite Mort. Certains s’en étaient même fait des tatouages alors que l’album n’existait pas ! Puis j‘ai proposé le projet chez Delcourt et le premier tome a vu le jour.
Comment as-tu choisi de faire grandir la Petite Mort ?
J’ai un problème avec l’adolescence, comme beaucoup de gens ! C’est le moment où les enfants grandissent et deviennent méchants comme les adultes. Je me disais donc que le collège serait difficile pour la Petite Mort. Et j’avais déjà l’idée du tome 3, Le Domaine des Vieux, où elle deviendra adulte !
Il me fallait de la cruauté dans ce tome, la cruauté de grandir. Mais de toute façon, la Petite Mort, c’est une BD sur la vie ! On va au collège, à l’école, on se demande ce que l’on fait là, si l’on arrivera à faire le métier de nos rêves, etc.
Quel regard portes-tu sur les parents et les amis de la Petite Mort ?
Pendant longtemps, je pensais que ses parents m’étaient venus tous seuls, naturellement. En fait ce sont les miens ! À la sortie du premier tome, j’avais lu une critique de l’album disant que c’était très drôle, sauf que les femmes ne sont pas traitées, la mère reste à la maison et ne travaille pas ! Je m’étais dit « bah, non, ma mère elle ne travaillait pas non plus, elle m’a élevé » et c’est là que j’ai réalisé !
Pour Ludovic, j’avais besoin d’un personnage qui accepte la mort. Pendant longtemps, la vanne c’était qu’il a la leucémie. Il était drôle parce qu’il accepte ce que la Mort n’accepte pas. Un enfant bête mais philosophe malgré lui ! Il m’a permit de faire plein de vannes dans le premier tome, puis il devient ado, il oublie. Il oublie que la Petite Mort l’a laissé vivre et il le fait de la façon la plus bâtarde qui soit, même s’il ne peut pas grand chose au fait qu’Aude soit amoureuse de lui !
Comment te sont venus les autres personnages ?
Au début, la Petite Mort avait des bras et des jambes que j’ai enlevés dans l’album. Quand j’ai créé ses parents et l’arbre généalogique de la Petite Mort, le grand-père surtout, je me suis demandé à quoi pourrait ressembler la Mort « âgée ».
Je me suis aussi inspiré de mon propre grand-père, qui est mort quand j’étais jeune et dont on m’avait caché le cancer. Je ne le voyais presque plus vers la fin de sa vie, d’où l’idée de ce grand-père caché dans le placard.
De la SF avec Lewis Trondheim
Pourquoi avais-tu cette envie de traiter du problème du choix professionnel dans la Petite Mort ?
C’est tout le sujet de la BD, et tout le sujet de ma vie, mais je ne l’ai compris qu’au moment d’écrire le troisième tome. Quand j’ai dit à mon père que je voulais faire du dessin, il m’a dit que je n’étais qu’un maillon de la chaîne et que je finirais par m’y faire. Puis j’ai travaillé pendant 5 ans dans une mairie et ça m’a rendu fou ! J’ai tout fait pour pouvoir partir, travailler le soir, etc.
La Petite Mort qui veut devenir fleuriste, c’est moi qui réponds à mon père que je serai auteur de BD. C’est ça le sujet de La Petite Mort : ne jamais abandonner ! J’ai proposé mon premier projet BD à Delcourt en 1996, il y a bientôt 20 ans et ils m’ont publié en 2012 !
D’où te vient cette narration particulière entre le strip et l'histoire longue ?
J’ai découvert cette narration chez Lewis Trondheim avec Le Pays des trois sourires. C’est un album génial : tu crois lire des strips en trois cases, mais tu te retrouves avec une histoire qui prend rapidement des proportions énormes et une fin géniale!
Je m’ennuie également très vite, j’ai besoin de finir rapidement quand j’écris. Ce format me permet de faire une page et de passer à autre chose si j’en ai envie. Mais le deuxième tome est plus linéaire que le premier et le troisième risque de l’être encore plus !
Pourquoi ce format un peu hybride entre album et manga ?
Le format album ne fonctionnait pas, surtout en 96 pages. Quand on m’a proposé ce format, je l’ai trouvé génial de suite ! Je pense qu’avec les couvertures, il a beaucoup contribué au succès de l’album ! Il attire l’œil ! C’est le premier de mes albums qui a dépassé mes chiffres de vente habituels. J’ai pu toucher un public qui ne me suit pas sur internet et qui ne me voit que comme un auteur de BD, ça me fait plaisir !
Tu penses aller au-delà du troisième tome ?
Le troisième tome devrait achever l’histoire de La Petite Mort. Mais l’univers est toujours là, j’aimerais faire un tome avec plus de gags, peut être les Petites Morts à travers les âges !
Comment fais-tu pour cumuler ton travail d’auteur de BD avec tes projets audiovisuels ?
J’ai besoin de tout ça, à des niveaux différents. Ces derniers temps, je me suis séparé de ma petite amie et je n’ai pas très envie de me voir à l’écran. Donc je dessine et j’écris beaucoup ! En fait, dès que j’en ai marre de tourner, je dessine ! Le dessin me vide de mes névroses, ça me purge. Et une fois que je vais bien, j’ai envie de tourner et de faire des blagues !
Quels projets pour l’avenir ?
Je suis en train de travailler avec Lewis Trondheim sur une série de SF en format court, des petits épisodes de quelques minutes. Ça devrait s’appeler Reboot, l’histoire d’un homme qui vend des fruits et légumes dans un supermarché, et qui, un jour, réalise qu’il est un robot.
En BD, je travaille bien sûr le tome 3 de La Petite Mort, Le Domaine des Vieux. Je prépare aussi un bouquin de strips qui accompagnera un numéro du Journal de Spirou avec Julie Gore, qui devrait s’appeler Le Renard, la Poule et le T-Rex. Je travaille également avec Elosterv sur Relation Cheap, qui devrait finir par paraître chez Delcourt, et qui a un tumblr dédié. Et je travaille aussi sur un album qui devrait s’appeler Dieu n’aime pas papa, dessiné par Camille Moog. Plusieurs BD à quatre mains !
Un petit mot de la fin ?
Ben n’abandonnez jamais, quoi [rires] Je pense qu’on peut tous arriver à quelque chose si on ne se dit jamais « je ne suis pas assez bien pour ».
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