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L'oeil sensible de Vanyda

En l’espace de quelques années, Vanyda a charmé le public grâce à Valentine, Un petit goût de noisette ou bien Entre ici et ailleurs, des récits de vie bercés par le doux fourmillement de la vie quotidienne. Retour sur cette fascination pour l’humain qui n’a jamais cessé de guider les œuvres de l’auteure !

Un regard acéré sur les relations humaines

Entre Valentine et Mia & Co, vous avez déjà plusieurs bandes dessinées au compteur. Qu’ont-elles toutes en commun selon vous ?

Vanyda : La plupart de mes histoires se penchent sur la réalité du quotidien et les interactions qui s’y déroulent. Les rapports humains m’ont toujours fascinée, et ce depuis le collège. À l’époque, je ressemblais énormément à Valentine. J’étais très timide et avais beaucoup de mal à échanger avec les autres. Je suis rapidement devenue spectatrice des conversations entre mes camarades, qui ont énormément servi de matière à l’ensemble de mes récits.

Extrait du tome 1 de Valentine, page 5
On remarque aussi que la majorité de vos protagonistes sont des femmes…

Vanyda : En tant que femme, il est vrai que j’ai pris l’habitude d’écrire des héros féminins, comme certains auteurs hommes, eux, ont tendance à mettre en avant des héros masculins. Après, beaucoup d’auteurs créent des héroïnes... mais malheureusement, la plupart tombent vite dans le cliché de la potiche ou celui de la femme forte à la poitrine imposante.

Extrait du tome 1 de Valentine, page 39

De mon côté, j’essaie de sortir de ma zone de confort et d’imaginer des figures masculines, tout en me détachant des projections fantasmées qu’on peut en avoir. Je me sers d’éléments piochés chez des hommes de mon entourage, afin que ces personnages soient les plus crédibles et réalistes possible !



Ce réalisme s’observe aussi dans les rapports hommes-femmes qui, dans vos BD, ne tiennent pas forcément du domaine de la séduction…

Vanyda : La bande dessinée est encore un milieu très masculin. Dans mon parcours, j’ai plus souvent été amenée à fréquenter des hommes que des femmes. J’entretiens avec eux des rapports purement platoniques, sans aucune ambiguïté. Ce type de liens m’inspire des amitiés très fortes entre mes personnages, comme celle que Coralie tisse avec Kamel dans Entre ici et ailleurs !

Extrait d'Entre ici et ailleurs, page 176

Votre vision sur les relations humaines semble éviter tout manichéisme. Est-ce une motivation qui guide vos choix scénaristiques ?

Vanyda : Les rapports humains sont plus complexes qu’ils n’y paraissent ! C’est une subtilité que j’ai aimé décrypter chez les personnages de Valentine. Au fil des tomes, on suit l’héroïne et ses amies quitter peu à peu leur insouciance pour se confronter à des sujets sérieux comme le racisme, la grève... Ces situations vont souvent provoquer des disputes entre elles, sans pour autant les séparer. Faire cette série m’a permis d’avoir un recul sur mes années collège et lycée. J’ai réalisé que tous les conflits que j’ai rencontrés avec mes amis m’ont fait grandir, comme ils ont fait grandir ces adolescentes !

Les rapports humains sont plus complexes qu’ils n’y paraissent ! C’est une subtilité que j’ai aimé décrypter chez les personnages de Valentine. Au fil des tomes, on suit l’héroïne et ses amies quitter peu à peu leur insouciance pour se confronter à des sujets sérieux comme le racisme, la grève... Ces situations vont souvent provoquer des disputes entre elles, sans pour autant les séparer. Faire cette série m’a permis d’avoir un recul sur mes années collège et lycée. J’ai réalisé que tous les conflits que j’ai rencontrés avec mes amis m’ont fait grandir, comme ils ont fait grandir ces adolescentes !

La bande dessinée comme trace d’une évolution

La bande dessinée est donc un moyen de faire le bilan…

Vanyda : La quête de soi est un thème qui fait vivre mes histoires. Parmi toutes celles que j’ai pu écrire, Entre ici et ailleurs est sûrement la plus autobiographique. À travers son héroïne Coralie, je parle de ma quête identitaire et tous les questionnements que j’ai pu avoir adulte sur mes origines laotiennes.

Extrait d'Entre ici et ailleurs, page 157

Mais toutes mes bandes dessinées ne se basent pas uniquement sur mon vécu, celui des autres m’intéresse tout autant ! Un petit goût de noisette, par exemple, est un recueil d’histoires et anecdotes qui ont marqué l’existence de certains proches. J’ai aussi écrit Mia & Co d’après l’adolescence du dessinateur Nicolas Hitori De.

Vos personnages ne sont pas les seuls à évoluer. On sent également que votre dessin a fait beaucoup de chemin depuis vos débuts…

Vanyda : Mon style est un mélange de tous les dessins animés de mon enfance : Olive et Tom, Les Chevaliers du Zodiaque, Juliette Je t’aime... J’ai été aussi considérablement marquée par les mangas d’Ai Yazawa et Mitsuru Adachi. Les influences nippones ont clairement orienté mon choix de la trame, qu’on retrouve dans L’immeuble d’en face ou Valentine. Avec Un petit goût de noisette et Entre ici et ailleurs, j’ai décidé de changer un peu et d’opter pour l’aquarelle.

Extrait d'Un Petit Goût de Noisette, page 116

À force pratiquer, je me suis écartée des influences japonaises et ouverte vers le franco-belge. Il faut dire que j’ai commencé à faire de la BD après avoir lu des classiques tels que Thorgal ou Sambre. Varier les styles et les techniques me permet de faire évoluer mon trait, et de vaincre l’ennui du dessin, l’ennemi de tout auteur de bande dessinée !


Au fil des années, vous vous êtes progressivement ouverte à des collaborations. Comment avez-vous vécu cette expérience ?

Vanyda : C’était quelque chose ! [Rires] Réaliser des projets à quatre mains a énormément bousculé ma façon de concevoir des bandes dessinées, surtout dans l’écriture ! Lorsque je travaillais avec Nicolas sur Mia & Co, j’ai réalisé à quel point ma scénarisation était spontanée et inconsciente.

Extrait de Mia and Co, page 24

Quand on écrit et dessine un album, on compose les scènes et les personnages sans trop réfléchir. Lorsqu’on s’occupe uniquement du scénario, il faut détailler chaque description, afin que le dessinateur se glisse mieux dans notre tête et dessine plus naturellement. Je ne cache pas que c’est une tâche très fatigante, mais elle m’en a appris beaucoup sur mon fonctionnement en tant que scénariste. Une fois sur des projets solo, je pense que ce sera plus facile de communiquer avec moi-même ! [Rires]

D’autres projets à quatre mains prévus ?

Vanyda : Je suis en train de finir Million d’éléphants, une BD réalisée en duo avec Jean-Luc Cornette. L’album retrace le parcours de différents Laotiens, après le renversement de leur monarchie en 1975, qui a fait basculer le pays dans une dictature communiste. Avant de plancher sur l’album, j’ai dû me rendre au Laos en 2010 pour recueillir des témoignages, et chercher de la documentation datant des années 70, voire avant.

Croquis de Million d'Elephants

Cet exercice change énormément de mes récits contemporains, qui ne nécessitent pas un tel travail en amont ! C’est une expérience enrichissante, d’autant plus qu’elle m’a permis de renouer le dialogue avec mon père, et d’échanger sur sa vie au Laos avant ces chamboulements historiques. Après ce gros projet, j’enchaîne sur le second tome de Mia & Co, ainsi que sur la suite d’Un petit goût de noisette !

Croquis de Million d'Elephants
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