Le Festival d’Angoulême consacre une exposition à Batman afin de fêter les 80 ans du fameux justicier de Gotham. Rencontre avec l’un des deux commissaires de cette expo, Yann Graf, éditeur chez Urban Comics.
En 2018, il n’y a pas eu d’exposition pour les 80 ans de Superman à Angoulême.
Cette exposition sur Batman signifie-t-elle que ce personnage est devenu plus emblématique que son illustre prédécesseur?
Yann Graf : Batman est devenu au fil du temps le personnage prééminent de l’Univers DC et l’un des super-héros les plus célèbres au monde, dépassant même en effet en termes de popularité son compère, l’Homme d’Acier. On peut trouver plusieurs explications à ce changement dans les bouleversements sociaux et économiques de ces trente dernières années et notamment la montée des crises sociales et économiques ainsi que le désenchantement progressif du monde occidental.
Extrait de Batman : the Third Mask, Katsuhiro Otomo
Les deux œuvres marquantes de ce tournant ont été The Dark Knight Returns de Frank Miller, dans lequel on voit un Batman vieillissant affronter Superman lors du final, et surtout le film de Tim Burton en 1989 qui sort accompagné d’une Batmania inédite à ce jour. Il va marquer le début d’une ère de blockbusters à la communication internationale intensive. De plus, d’autres œuvres assurent son statut, notamment en France, d’être l’un des rares super-héros capables de toucher un public plus large : il en va ainsi de The Killing Joke d’Alan Moore et Brian Bolland ou d’Arkham Asylum de Grant Morrison et Dave McKean.
L’exposition est sous-titrée « Un genre américain démasqué ». Est-ce à dire que vous considérez Batman comme un genre en lui-même ou bien est-il pour vous le représentant idéal du genre super-héroïque ?
Extrait du Garçon prodige, Bob Kane
Yann Graf : Un peu les deux puisqu’il est l’un des meilleurs représentants de ce genre : c’est un personnage qui a été réinventé à chaque décennie afin de toucher le plus large public. Il a été le chantre du capitalisme triomphant dans les années 1950, une icône pop et camp [style propre à une culture gay masculine N.D.L.R.] durant les années 1960, une figure de la montée de l’autodéfense dans les années 1980, et aujourd’hui un symbole de « l’homme providentiel » qui vient au secours d’une population paranoïaque et crispée. C’est au travers du personnage et de ses multiples avatars qu’on découvre l’histoire des super-héros et leur rapport avec la société qui les entoure, les consomme et parfois les porte en triomphe comme c’est le cas depuis quelques années.
Selon quelle logique avez-vous entrepris de démasquer Batman dans cette exposition?
Yann Graf : L’exposition suit trois temporalités qui s’entremêlent et se répondent les unes aux autres : tout d’abord, la temporalité diégétique, celle de l’histoire du héros, de ses origines jusqu’à ses possibles morts ou descendances ; la temporalité historique qui suit les évolutions de la société, des racines du personnage durant la Grande Dépression des années 1930 jusqu’aux craintes actuelles concernant le terrorisme et les bouleversements climatiques ; et enfin l’évolution graphique, esthétique et narrative du héros via ses différents auteurs.
Cette exposition est présentée comme « immersive et ludique » : que pourra-t-on y voir ?
Illustration de David Mazzucchelli
Yann Graf : L’exposition est divisée en scènes qui reproduisent à chaque fois un lieu mythique des aventures du héros et qui permettent d’évoquer un aspect bien précis ou une composante de son univers. Ainsi, on va débuter par l’allée du crime (le lieu où tout a débuté, puisque c’est là que les parents de Bruce Wayne se sont fait abattre, ce qui fait naître en lui ce désir de justice et de protéger autrui) avant d’entrer dans le Manoir Wayne, la Batcave, de parcourir le toit du commissariat (avec un Batsignal à activer !) et de finir dans l’Asile d’Arkham.
Je n’en dis pas plus pour ne pas gâcher la surprise, mais chaque salle évoquera l’évolution du héros et de ses composantes au gré des 80 années de publication. Enfin, l’exposition comprendra des planches originales et une salle dédiée à la série animée des années 1990.
Que représente Batman pour vous ?
Yann Graf : C’est tout d’abord beaucoup de travail ! Il est le personnage phare d’un genre américain qui a conquis un vaste public au-delà de ses frontières et qui continue de passionner les lecteurs de tous âge. Et de me passionner également.
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Article publié dans le magazine Zoo n°69 Janvier - Février 2019
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