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Desberg et Corboz sur les rivières du passé: thriller uchronique

Stephen Desberg sait aussi être là où on ne l’attend pas. Avec Les Rivières du passé, un diptyque à paraître chez Maghen, il s’est volontairement éloigné d’I.R.$ ou du Scorpion pour s’essayer à d’autres sujets et graphismes à la fois fantastiques et historiques. Il a été rejoint dans cette aventure par le dessinateur Yannick Corboz. Ensemble, ils parcourent des mondes en miroir qui n’ont pas tous évolué de la même façon au cours des siècles.


Deux mondes : le nôtre, tel que nous le connaissons aujourd’hui, et son reflet temporel encore médiéval bien qu’en 2016. Voici le décor de cette fantaisie bourrée d’action partiellement uchronique.

Stephen Desberg avoue que ces deux albums qu’il signe « avec Corboz ne sont pas une parenthèse dans [son] parcours, mais au contraire une nouvelle direction de travail ». D’où ce choix qui remet les pendules à l’heure : « Le Lombard souhaitait que je continue dans la même voie, dans des séries qui me cataloguaient. J’ai été le premier à m’enfermer là-dedans. Mais j’ai réfléchi à ce que je souhaitais vraiment raconter, travailler avec de nouveaux dessinateurs, avec plus d’émotion, m’ouvrir à d’autres éditeurs ». 

Lynn, l'héroïne des Rivières du passé

Lynn, l'héroïne des Rivières du passé

Avec Les Rivières du passé, Desberg et Corborz ont choisi de travailler ensemble, suite à une mise en relation faite par Vincent Odin et Daniel Maghen qui étaient convaincus que ce duo pourrait bien fonctionner. Comme le dit Corboz : « Vincent Odin a trouvé que mon dessin se rapprochait de celui de Will, ce qui nous réunissait avec Stephen qui a travaillé avec lui autrefois. On n’a pas eu de directives. Ils nous ont dit de nous faire plaisir ». Ce qui ne se refuse pas, à condition de jouer entre eux la carte de la franchise la plus totale.

Un scénario inspiré et efficace..

L’étape suivante n’a pas été compliquée, mais il fallait réussir à fignoler le projet et se mettre d’accord sur le scénario. Progressivement sont apparues Les Rivières du passé : «Dans mon désir d’aller vers autre chose» avoue Desberg, « j’ai commencé à écrire sans trop structurer. Je voulais être transparent, ne rien m’imposer. Yannick a été déconcerté par l’absence apparente de cadre. Il me demandait où j’allais. J’ai alors réécrit le scénario plusieurs fois en lien avec lui et Vincent Odin jusqu’à trouver le bon équilibre entre inspiration et efficacité ».

Ce que reconnaît Corboz : « Stephen avait envie d’écrire de façon plus intuitive et moi, de faire un album plus bondissant. Il est parti seul sur une idée globale en me questionnant. Pour la mise en scène, on a beaucoup échangé. L’histoire a grandi petit à petit ».

Corboz aime le fantastique. Dans Les Rivières du passé, il y a des monstres, les Shayks, poursuit Desberg, « aux ordres du Maître de la peur, dans un Paris moyen-âgeux en 2016».

Les rivières du passé mettent en scène des monstres qui ne vous laisseront pas de marbre

Les rivières du passé mettent en scène des monstres qui ne vous laisseront pas de marbre...

Pour un univers baroque

« Leur monde a suivi une autre évolution. Les Shayks menés par le Rouge Sanglant bloquent l’évolution humaine par la peur, le contrôle, mais cela va déraper...» On ne saura pas pourquoi, dans le premier tome, ces deux mondes existent. Les portes qui permettent de passer de l’un à l’autre sont cachées. Ça, c’est pour le cadre, mais il y a une autre intrigue et deux héroïnes: Lynn, une voleuse douée et la mystérieuse Lamia qui possède un médaillon qui aurait appartenu à un grand prêtre égyptien, Ay, dont elle recherche la momie.

Toutes les deux se retrouvent dans l’autre monde, le Paris médiéval du Maître de la Peur, lui aussi dans le coup, où il y a peut-être la solution de l’énigme. Le bijou va les mettre sur la piste d’Akhenaton, le culte d’Aton, rappeler les débuts du monothéisme et son opposition au polythéisme, l’exode du peuple juif d’Égypte. Le résultat est un thriller bon teint qui surfe sur de nouvelles pistes, mais Desberg confirme qu’on ne se refait pas totalement : « C’est bien un thriller qui mêle fantaisie et fantastique, mais avec la volonté d’essayer d’avoir plus de richesse dans ce qui unit ces deux femmes. J’ai un rapport émotionnel avec mes personnages. Dans Les Rivières du passé, il y a beaucoup d’action et d’émotion »... 

Yannick Corboz n’a pas eu de difficultés à s’adapter à ces ambiances qui le changeaient de son autre série, La Brigade Verhoeven : «Stephen a bien fait les choses. C’est ce que j’avais envie de dessiner avec des clichés de Paris de nos jours, les bords de Seine, un Paris de carte postale. Les décors m’ont plu. Dans le monde parallèle, le Paris médiéval, c’était plus compliqué. J’ai puisé dans les photos d’Atget au XIXe siècle et dans des clichés des villes médiévales existantes. Dans mes BD, je mets des références sur la peinture, et là ce sont les dessins de Victor Hugo méconnus. Je suis parti sur un Paris très sombre fait de silhouettes plus que de monuments connus.»

Pour les personnages, Corboz a fait des essais, puis les a montrés à Desberg, Odin ou Maghen : « Ceux du début n’ont rien à voir avec ceux publiés dans l’album. Au départ, Lamia était une courtisane, mais je l’ai fait évoluer graphiquement. Il me fallait du contraste entre elle et Lynn, la voleuse ». Corboz aime la simplicité en BD. Cette fois, il assure qu’il est « dans le baroque ». Pour Desberg, Corboz a « des points communs avec Mathieu Lauffray, des envolées graphiques, un traitement classique, mais très moderne».

Quelle sera la suite des Rivières? Des destinations plus lointaines, Venise, l’Égypte bien sûr avec une fin dans le tome 2, mais pourquoi pas une suite. Desberg freine avec I.R.$, se prépare à publier un roman graphique chez Urban Comics, un second tome du Lion de Judah avec Labiano et travaille sur deux projets distincts chez Maghen avec Tony Sandoval et Vrencken.

Pour Stephen Desberg, « c’est une autre étape de ma vie qui a commencé. Elle a un lien avec l’époque Dupuis de mes débuts. J’aime faire de nouvelles rencontres, partir dans des directions surprenantes ».


Article publié dans le Mag n°79 - Janvier - Février 2021

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Commentaire (1)

bonjour,
je croise les doigts pour ce super cadeau ! bonne journée à tous

Le 15/02/2021 à 09h05