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Théo Grosjean nous emmène dans les coulisses du Spectateur

Si Le Spectateur est paru en avril dernier, Théo Grosjean l'a écrit en 2019, bien avant L’Homme le plus flippé du monde. La BD devait sortir avant le premier confinement mais avec la pandémie, elle a subie un décalage d’un an. Cet ouvrage suit l'évolution de Samuel, un garçon muet qui n’arrive pas à interagir avec ses proches. Les peu de personnes qui l’aime et qu’il aime lui sont arrachées tôt ou tard... Théo Grosjean répond aux questions de Zoo le mag sur cet album écrit à la première personne.
ATTENTION: SPOILERS!





D’où est venu cette idée de faire un album avec un point de vue subjectif?


Théo Grosjean: C’est venu d’un sentiment que j’ai depuis petit, celui d’être en décalage par rapport au monde et à mon existence. J’avais envie de trouver un moyen de l’exprimer en bande dessinée sans passer par une voix off ou une description. J’ai donc pensé à utiliser un point de vue subjectif pour faire ressentir ce sentiment de spectateur au lecteur.


Théo Grosjean est le scénariste et illustrateur du Spectateur

Théo Grosjean est le scénariste et illustrateur du Spectateur
© Éditions Soleil, 2021 – T. Grosjean


Comment définir Samuel?

T.G: C’est un personnage qui vit beaucoup d’expériences tragiques... Ce tragique est amplifié par l’impuissance de Samuel. Il n’arrive pas à sauver les gens qu’il aime car il est coincé dans ce rôle de spectateur. Donc au final, c’est difficile de le définir car on ne le connait pas vraiment étant donné qu’il ne s’exprime pas. Et c’est justement l’idée de l’album.
Chaque pensée du lecteur, à la lecture, devient la pensée du personnage principal. Le lecteur en devient ainsi le héros. Le lecteur subit ainsi l’histoire car il ne peut la modifier mais il est dans la peau du personnage. J'ai eu justement beaucoup de retours très différents. Certains disent que l’album est très poétique alors que d’autres, très sombre voire glauque! Mais dans tous les cas, on imagine bien que Samuel est en empathie avec les personnage qui l’entourent. Ensuite, on complète l’histoire avec nos propres pensées.


Quel est le rapport de Samuel à la mort?

T.G: C'est vrai que Samuel est entouré de phénomènes tragiques au cours de sa vie, nottamment par la mort de ses proches (NB: Sa mère meurt, renversée par une voiture, lorsqu'il est petit). Par rapport à sa mort à la fin, pour moi, c’est ambiguë et c’est surtout un clin d’oeil à son incapacité d’agir qui se retourne contre lui. Je l’ai écrit comme une impuissance plus que comme un suicide. Le symbole de la voiture est extrême car ça vient faucher les distances d’une personne dans une absurdité totale. Dans le sens où il n’y a aucune anticipation possible.


Le meilleur ami de Samuel (à gauche) et sa mère (à droite) connaissent un destin similaire...

Le meilleur ami et la mère de Samuel connaissent un destin similaire...
© Éditions Soleil, 2021 – T. Grosjean


Plusieurs personnages confondent le mutisme de Samuel avec l'autisme. Est-ce une façon de pointer du doigt les raccourcis que peut faire la société sur la différence?

T.G: Alors en fait oui le premier personnage est le médecin qui colle cette étiquette à Samuel alors encore bébé.
C’est fou car à la sortie de l’album, une lectrice de ma série sur Instagram, l’homme le plus flippé du monde, a fait une chronique du Spectateur sur sa page instagram. Sa chronique disait que j’avais structuré mon récit autour d’une pathologie très précise et peu connue: l’autisme non verbal. J’ai ensuite fait des recherches qui ont montré que c’était exactement ça. L’autiste non verbal ne parvient pas à rentrer en communication avec les gens alors que ses cordes vocales sont opérationnelles.





Concernant les critiques concernant la société, il y en a une assez forte sur les Talk Show télévisés...

T.G: C’est davantage un clin d’oeil ironique à ce type de programme. Ils ont une façon de la parler de la culture qui est un petit en fin de vie d’ailleurs en France. Je ne suis pas vindicatif mais ça correspond à une angoisse que j’ai moi-même; la peur du jugement des médias par rapport à mon travail. Cette idée d’être invité sur un plateau et de savoir qu’un chroniqueur peut avoir un regard extrêmement vindicatif sur mon travail. Je pense que c’est une angoisse propre à tout artiste. Et ça me permet de rendre compte de cette fascination mais avec de l’humour. Le talk show est assez étrange: on doit être acteur de sa propre existence et se mettre en scène. Y a un plateau avec des gens qui regardent, une lumière particulière, un maquillage singulier…
Au final, je dirai que c’est une critique que je me fais à moi-même. Lors de l’écriture, je me suis demandé si c’était un livre qui ne voulait rien dire. Je dirai que c’est un critique sur mon propre travail. Et c’est normal, voire sain, d’être dans le doute de son propre travail.
Je voulais pas montrer du doigt même si je trouve qu’il y a un jeu malsain dans l’exercice de la critique qui vise à créer le buzz. C’est une pulsion scopique qui fait qu’on ressent le besoin de voir des gens se disputer ou un simple malaise. Car parfois il y a aussi des personnes qui se font humilier en public et qui n’arrivent pas à réagir. C’est quelque chose qui existent dans notre société.




Avez-vous des projets à venir?

T.G: J’ai un projet en cours, je publie une planche dans Le journal de Spirou toutes les semaines. Il s’agit de la série Elliot au collège. Il s’agit de la vie d’un petit garçon très sujet à l’anxiété. Il vit des aventures à la façon des BD franco-belges du mois comme Titeuf. C’est un format plus classique sur une page avec des gags et une chute. C’est un format que j’adore et je voulais m’y essayer.
Et j’ai un projet à venir, je ne peux pas vraiment en parler… Tout ce que je peux dire c’est que ce sera sur un format différent et que vous serez bientôt informés!



Elliot au collège rentre dans la Spirou family!

Elliot au collège intègre la Spirou family!
© Dupuis, 2020


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