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Hugues Labiano: «Beaucoup d'auteurs de BD rêvent de faire un western un jour»

Avec Hugues Labiano, nous sommes souvent transportés aux États-Unis, que ce soit avec Dixie Road ou Mister Georges. Le dessinateur en fait sa marque de fabrique. Mais l’auteur bayonnais sait aussi nous faire voyager un peu partout dans le comme il a pu le montrer avec sa série best-seller Black Op. Mais l’étiquette du dessinateur des États-Unis lui colle à la peau. Rencontre avec ce fin connaisseur de la culture américaine.


On vous appelle souvent le dessinateur des États-Unis, c'est quelque chose qui vous correspond?



Hugues Labiano: Mes éditeurs communiquent souvent sur moi comme étant «Le dessinateur des États-Unis». C'est vrai, cette fascination pour les États-Unis existe. Mais dans les faits, je ne suis pas seulement intéressé par l'univers graphique des Etats-Unis. Paradoxalement, je serais même un farouche opposant de l'esprit américain. Je me sens peu proche de ce pays dans son développement au fil du 20-21ème siècle. L'ultra-libéralisme américain, le marche ou crève... C'est philosophiquement et politiquement l'antithèse de ce que je suis et de ce que j'aime. Je suis d'abord fasciné par leur histoire et leurs artistes. Ma culture reste très américaine. Je suis avant tout un lecteur de livres, pas de bandes dessinées. J'ai une connaissance assez importante de la littérature américaine: Jim Harrison, Cormac McCarthy, Hemingway…. Depuis gamin, je suis attiré par l'Amérique moderne, presque plus que par le Western en fait. J'ai aussi baigné dans le cinéma américain, comme tous mes camarades. Ce sont ces films qui nous ont donné envie de dessiner des chevaux ou des cow-boys. Sauf qu'il faut arriver à le traiter d'une manière adulte aujourd'hui. Je pense que dans les années à venir, les thématiques que j'aurais envie d'aborder seront relativement éloignées de l'Amérique.




Vous parlez de Western, c’est un genre qui vous plaît en bande dessinée ?


H.L: Alors c'est peut-être un truc de garçon. Gamin, j'ai aimé les westerns. Beaucoup d'auteurs de BD rêvent de faire un western un jour. C'est un peu comme une espèce de genre culte, mais auquel il est difficile de se frotter. On y retrouve énormément de grands dessinateurs comme Giraud. Disons que c'est un genre, certainement très masculin, qui fait rêver enfant, et un jour, on a envie de le dessiner. Quand on m'a proposé de le faire, je l'ai fait avec plaisir. Je me suis frotté au Western à la demande d'Enrico Marini et Stephen Desberg. J'ai fait le préquel de l'Étoile du désert. Je considère cette série comme l'un des touts meilleurs westerns que j'ai lu. Quand ils me l'ont proposé, j'avais un peu hésité. Passer derrière Marini, c'était un challenge. J'ai accepté, car je pense que de toute manière, je serais aller dans une œuvre Western de moi-même un jour. D'ailleurs, je pense que je retournerai un jour sur du Western, mais j'écrirai le scénario.

Pour l'instant, je trouve qu'il y a beaucoup trop d'œuvres BD de ce genre sur le marché. Puis c'est déjà bien balisé par de grands dessinateurs et de grands talents. Il y a eu les Blueberry bien sûr, les Jonathan Cartland et Les Comanches. Pour cette série de Greg et Hermann, je considère certains tomes comme les meilleurs albums de Western. Aujourd'hui, c’est compliqué de trouver un angle d'attaque original, unique. Moi, si j'écris un Western, seul, c'est ce point de vue unique qui m'intéresse. Ce n'est pas simple du tout.




Mais les États-Unis restent le pays que vous préférez dessiner ?


H.L: L'Américain m'intéresse assez peu, mais les paysages oui. J'ai eu la chance d'aller en Louisiane pour travailler sur Dixie Road avec Jean Dufaux, c'était un immense souvenir. Le sud des États-Unis est un lieu qui me faisait rêver enfant, avec les bayous et la Nouvelle-Orléans. J'étais tellement heureux d'y être, c'est une région qui me tient à cœur. J'aime spécifiquement les auteurs du sud des États-Unis avec Steinbeck, Erskine Caldwell... L'album que je souhaite faire dans le futur sera assez proche de l'esprit de Dixie Road. Je pense que c'est cet album qui a aussi marqué les gens.




Quels autres univers vous intéressent ?


H.L: J'ai envie de changer pas mal de choses dans les années à venir. Mes goûts évoluent, j'ai donc envie d'évoluer. J'ai envie d'avoir un dessin avec des gestes moins classiques, moins réalistes. Il n'y a pas de sujets qui m'intéressent plus que d'autres. Je peux traiter à peu près tout, tant que les personnages ont une vraie profondeur. Il faut qu'ils m'interpellent dès la lecture du script. Pour moi, une bonne histoire, c'est avant tout avec des personnages qui ont une profondeur d'âme. Par contre, je peux avoir des envies graphiques. En ce moment, j'ai envie de redessiner des chevaux. Je pense en ce moment à un projet sur l'Espagne du 17ème siècle. On revient à mes origines, je suis fasciné par ce pays ! Je prendrais beaucoup de plaisir à illustrer cette histoire. Le plus important pour moi, c'est de prendre du plaisir quand je dessine, ça joue sur mes envies. On me propose souvent des scénarios de bonnes qualités et je les décline, car il y a des éléments qui ne m'intéressent pas graphiquement.


Vous souhaitez donc aussi faire évoluer votre dessin réaliste ?


H.L: Bien évidemment, après je ne sais pas moi-même dans quel sens je veux aller concrètement. Mais globalement, je suis moins attiré par les dessins plus classiques. Je peux encore évoluer sur: la manière de découper, la manière de travailler, le matériel utilisé.  Je me suis rendu compte que notre style à nous, les réalistes/classiques, est un peu en perte de vitesse. Ce n'est pas pour me plier à l'époque, mais j'ai envie de réformer mon dessin comme un peu plus expressif, moins réaliste. Je ne pourrais pas qualifier cette envie exactement. Elle est en accord avec le monde de la BD actuelle, tant mieux. Ça dépendra aussi des histoires. Attention, il ne faut pas s'attendre à ce que je produise prochainement un roman graphique ! Je reste attaché à la qualité du dessin et plus spécifiquement au noir et blanc, mon cheval de bataille.



Autre envie que vous avez déjà exprimée dans le passé: alterner l'écriture de scénario et illustration. C'est toujours le cas ?


H.L: Quand j'ai débuté, j'écrivais mes histoires. À la base, mon projet était d'écrire et de dessiner mes histoires. Des scénaristes m'ont proposé des scénarios intéressants, j'ai débuté Matadoravec Jakupi comme auteur, puis Jean Dufaux a voulu travailler avec moi, puis Desberg, puis j'ai été pris dans une spirale. Ça m'a beaucoup aidé et j'ai gardé l'étiquette du dessinateur. Après le succès de Black Op, mon best-seller, j'ai fait le pari du break pour produire mon histoire en solo. J'ai pris un plaisir énorme à produire Les quatre coins du monde. Ça a été beaucoup plus enrichissant pour moi que de dessiner un album, je dois l'admettre. L'écriture m'a semblé beaucoup plus transcendante que le dessin. C'est beaucoup plus personnel, il faut se mettre à nu.

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