Goldorak. Annoncé fin 2020 par les éditions Kana, l’album français consacré au plus célèbre robot de manga a marqué les esprits. C’est en ce mois d’octobre que nous allons tous pouvoir découvrir la vision du Grendizer de Xavier Dorison, Denis Bajram, Alexis Sentenac, Brice Cossu et Yoann Guillo. Travail de commande ou œuvre d’auteurs passionnés? Rencontre avec une partie de l’équipe.
Hastéro-hache! Fulguro-point! Ces déclamations de catch ont marqué les cours de récréation françaises pendant plusieurs années. En 1978, les enfants français ont fait la rencontre simultanée de Récré A2, Dorothée et Goldorak. L’œuvre du mangaka Go Nagaï est la première série animée japonaise à avoir touché le grand public.
Les jeunes spectateurs devenus des créateurs
« J’avais sept ans quand j’ai découvert Goldorak. Chaque soir,je me dépêchais de rentrer pour regarder un nouvel épisode. » Xavier Dorison, scénariste phare de la BD franco-belge, est à l’origine de cette idée folle. « Ce n’est même pas vraiment mon idée. Un jour, j’ai raconté à Christel Hoolans, directrice-générale de Dargaud-Lombard une idée pour Goldorak. C’est elle qui m’a proposé de soumettre le projet à Go Nagaï. Je l’ai prise au sérieux immédiatement. Il faut toujours se dire que c’est possible. Il sera temps plus tard de voir pourquoi c’est inimaginable.» Mais pour cela, il lui faut une équipe.« Denis Bajram est un ami de vingt ans. La première bande dessinée qu’il ait réalisée, enfant, c’était du Goldorak. C’est aussi le meilleur auteur de BD de science-fiction en France. Je ne pouvais pas faire sans lui.» C’est le même Bajram qui va proposer l’équipe graphique. Ils partagent un même atelier virtuel sur Discord. «Denis savait parfaitement qu’il n’avait pas le temps de dessiner l’album. Alors il nous a proposé à Brice et moi de le rejoindre», nous dit Alexis Sentenac. Les deux dessinateurs sont fans de Goldorak aussi. En plus, ils ont déjà l’habitude de travailler à quatre mains.
C’est allé très vite : « C’était pendant un FIBD (Festival International de la BD d’Angoulême). Le midi, Xavier en parlait avec Kana, l’après-midi Denis était dans la boucle et le soir, il m’en parlait.» Mais le troisième dessinateur n’était pas là, lui. Il a dû attendre deux jours que Sentenac lui explique en face à face l’idée folle qui leur était proposée.
Écrire une nouvelle histoire, respectueuse, mais personnelle
À la grande surprise de l’équipe, Go Nagaï accepta en 8 jours la proposition. Il ne restait plus à Xavier et Denis qu’à se lancer dans l’écriture du scénario « Denis voulait que l’on conserve la magie qui nous a tous marqués enfant quand on a découvert l’animé », explique Dorison. «Et moi je voulais qu’on ait un vrai point de vue. » Cette vision d’auteurs, c’est donc d’abord une avancée dans le temps. La guerre contre Vega s’est terminée, Actarus et Phénicia sont retournés auprès de leur peuple. Mais Actarus est bien sur Terre trente ans plus tard et une nouvelle menace issue de l’Empire de Véga se fait jour. Goldorak doit donc revenir. « La seule limite que l’on s’est donnée », intervient Xavier Dorison, « c’était de ne pas salir le travail des auteurs précédents. Pour le reste, nous nous sommes laissés carte blanche.» On le croira sur parole, l’album n’étant pas lisible au moment de cette interview. Les intentions sont exprimées, elles sont ambitieuses.
8 mains, un seul dessin
L’autre ambition était évidemment graphique. Aux trois dessinateurs, s’est rapidement adjoint le coloriste Yoann Guillo, lui aussi membre de l’atelier virtuel. Brice Cossu précise comment il est arrivé : «En fait, Yoann a toujours été dans le projet, dans nos têtes. C’est quand il a commencé à apporter des critiques sur nos premiers tests de couleur qu’il est devenu évident qu’il devait être de cette Patrouille des aigles.» Restait tout de même à produire ce dessin. «Nous avons entraîné Denis», confie Brice. «Chacun intervient dans le dessin selon ses points forts. Mais quand un copain est en difficulté, personne n’hésite à donner un coup de main.»
Sentenac renchérit : « On aurait pu se spécialiser comme les Japonais. Mais c’est lassant. Nous, on voulait s’amuser sur ce projet. Alors on a tous participé à tout. Même Yoann commentait les crayonnés dès les story-boards.» Dans les designs comme dans le trait, l’équipe modernise, mais conserve les éléments les plus attendus. « Le véritable enjeu a été dans le ton à donner », explique Sentenac. « Un juste équilibre entre réalisme, humour et manga.» Et pour l’influence de Yoann Guillo, les visuels du dossier de presse sont frappants. Son intervention vient apporter toute la puissance émotionnelle du récit. Ce travail commun aura permis aux dessinateurs de produire un encrage qui lui laisse un maximum de place pour s’exprimer. Explosif ou mélancolique, c’est lui qui apporte la touche finale qui fera la réussite graphique de ce titre.
5 auteurs face à la génération Goldorak
L’équipe ressent-elle de la pression, à la réalisation de cet album? «Je suis né en 1982, je ne suis pas de la génération Goldorak », confie Brice Cossu. «Mais j’ai bien compris que le personnage était une icône. De très nombreuses personnes vont avoir un avis sur Goldorak. Pour quels retours sur notre travail?» «Je ne doute pas», conclut Alexis Sentenac. «Pour moi, les intentions sont bonnes et nous pouvons être fiers de notre livre. On a essayé d’être intègres, la suite ne nous appartient plus.»
Ce Goldorak made in France vient donc incarner tout ce que le monde de la bande dessinée française doit aujourd’hui à l’animation japonaise et au manga. Tout le travail montré, les échanges avec les auteurs, montrent que l’on a ici une œuvre à part entière. À la lecture, nous serons en droit de critiquer leur travail, de ne pas approuver leurs choix. Mais il paraît peu probable qu’on puisse les traiter de mercenaires livrant un album marketing. Reste à voir si leur sincérité s’accorde à celle des lecteurs.
Comme dans toute œuvre artistique.
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