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LE WEBTOON A-T-IL DE L'AVENIR EN FRANCE ?

Après de nombreux essais entre PDF en ligne et turbomédia, la France pensait que le digital et la BD ne faisaient pas bon ménage. Mais c’est de Corée du Sud qu’est venue la bonne réponse : le Webtoon.

Ce mariage assumé de la narra­tion visuelle et du format smart­phone est incarné par un seul geste, le scroll vertical.

LE SMARTPHONE SERAIT-IL L’AVENIR DE LA BANDE DESSINÉE MONDIALE ?

Le format Webtoon pose la question. Né en Corée du Sud, le Webtoon n’est pourtant pas assimilable au Manhwa. La diffé­rence essentielle, c’est le format. Adieu la planche, qui constituait jusqu’ici la référence narrative. Désormais, c’est l’écran de télé­phone qui compte. Un support peu large ? Alors on se limite à une seule case que l’on passe en scrollant vers le haut. Comme sur un mur de réseau social, on découvre d’un geste du doigt la case suivante, le contenu sui­vant. Cela permet aux auteurs de jouer avec la hauteur des cases pour créer du suspense, pour faire s’écouler le temps plus ou moins rapidement.

La publication se fait par épi­sode. En moyenne, un Webtoon « mesure » autour de 60 cases, avec des pointes à 100 cases. Soit environ dix à quinze pages de « manga » traditionnel. Cette publication en feuilleton repose sur la régularité et la rapidité de production. Vite lu, un épisode doit avoir une suite sans tarder. Et c’est la popularité en ligne qui assure l’avenir d’une série. Si les lecteurs suivent, la publication en ligne continue. Pas assez de lecteurs ? On stoppe et on passe à autre chose. La Corée du Sud a développé de nombreux stu­dios de création pour optimiser la production. Mais cela reste coûteux et la rentabilité éco­nomique ne se discute pas. Les lecteurs doivent acheter leurs épisodes, sinon, fin de parcours !

QUE PEUT-ON LIRE ?

D’après Pascal Lafine, éditeur chez Kbooks (Groupe Delcourt), « la force du Webtoon, c’est de partir des questionnements sociaux coréens. Les auteurs pro­posent des récits basés sur les pratiques populaires coréennes pour venir interroger les failles de leur société. Et ils n’ont aucun scrupule à reproduire une recette qui fonctionne. Isekai, horreur, zombies, si ça marche, ils foncent et multiplient les séries.»

QUELS ACTEURS EN FRANCE ?

Succès massif en Corée du Sud, le Webtoon s’est peu à peu répandu sur toute la planète. Le Japon, pays technophile et grand consommateur de récits gra­ phiques, s’est jeté dessus. Puis les États-­Unis ont été gagnés à leur tour, et la France a emboîté le pas. Aujourd’hui, le softpower, la puissance culturelle, est sud­ coréenne. Au revoir la génération Dragon Ball/Naruto ! Les groupes de K­Pop comme BTS, les séries télé comme Squid game (Netflix), sont des références pour les jeu­nesses mondiale et française. Le Webtoon a bénéficié de cet élan.

LE PRÉCURSEUR : DELITOON

Pourtant, l’arrivée de ce format en France est ancienne. C’est en 2015 que Didier Borg, ancien des éditions Casterman, crée la plate­forme Delitoon pour diffuser en France les premiers contenus coréens. Mais le tempo n’est pas le bon. Delitoon vit, mais dans une relative discrétion, alors que le manga explose déjà les chiffres de vente. La société ne passe pas inaperçue. En 2018, le groupe TF1 investit pour soutenir son développement. Aujourd’hui, Delitoon appartient à un groupe coréen de Webtoon, Kindari ENT.

LE FRANCO-BELGE CURIEUX : WEBTOON FACTORY

2018, c’est aussi l’année où un acteur historique de la BD franco­ belge investit le secteur à son tour. Les éditions Dupuis créent Webtoon Factory. Avec un autre positionnement : offrir des conte­nus Webtoon Made in France. « Dupuis, depuis 100 ans mainte­nant, a toujours été une maison d’auteurs. Il était donc logique que Dupuis aborde la ques­tion du Webtoon par le biais de la création » nous confie Stéphane Ferrand en charge de la plateforme chez Dupuis. « Nous n’avons pas voulu n’être qu’une plateforme d’exploitation, dif­fusant des contenus tiers. Nous avons voulu assumer notre rôle d’éditeur, donc de créateurs.»

Webtoon Arena

Webtoon Arena
©Webtoon Factory, 2022

C’est donc un studio virtuel qui se crée autour de Webtoon Factory avec des auteurs venus d’hori­zons divers. Des Français sont à l’œuvre, mais aussi des auteurs venus du continent africain, un territoire important aux yeux de Stéphane Ferrand. « Il n’y a pas en Afrique de réseaux de diffusion et de librairies per­ mettant à une industrie créa­tive de se développer autour de ces auteurs. Par contre, beau­coup possèdent un téléphone portable. Il nous a donc semblé logique de développer la créa­tion avec ces auteurs africains lisibles sur ces mêmes téléphones portables. »

L’OGRE CORÉEN : NAVER

Ces créations ne passent pas inaperçues en Corée du Sud, où les éditeurs de contenus connaissent bien l’appétit de la France pour la bande dessi­née asiatique. En 2019, c’est un acteur historique de ce marché qui investit notre pays après avoir conquis Japon et États­-Unis : Naver. C’est la plateforme Web­toon qui a un énorme catalogue de titres originaux, mais pas seulement. Naver propose un espace de contribution local, pour que des auteurs amateurs français tentent leur chance, Webtoon Canvas. À la clé désor­mais, un programme de soutien pour les Canvas les plus popu­laires. Du sponsoring sous la forme d’une prime de 600 € pour les auto­-productions les plus populaires. Mais c’est une prime et non un contrat de publication finançant la création.

Naver, plateforme consacrée aux webtoons

Naver, plateforme consacrée aux webtoons
© Naver, 2022

L’ÉDITEUR QUI NE LAISSERA PASSER AUCUN SUCCÈS ÉDITORIAL : VERYTOON

En 2021, c’est au tour d’un autre poids lourd de la BD française d’entrer dans la danse : Guy Delcourt. En ouvrant la plate­ forme Verytoon, le groupe complète son offre éditoriale­ qui ne semble vouloir écarter aucun secteur de la bande dessinée mondiale. Un espace fondamentalement tourné vers les licences asiatiques. Si la création de contenus Web­toon reste envisagée, après une première année d’exis­tence, Verytoon se montre pru­dent. Thierry Rodriguez, Digital Manager du groupe et respon­sable de la plateforme pointe un univers créatif pas encore prêt : « Le Webtoon, c’est une production de flux avec de très fortes attentes en termes de rythmes de productivité, pour un contenu encore considéré comme “jetable”. La Corée est passée par la création de studios avec des tâches très partagées dans le processus créatif. Pour ce qui est de la France, peu d’auteurs sont prêts à en venir là de manière professionnelle. Mais les habi­tudes vont évoluer, donc nous restons attentifs.»

Webtoon Solo leveling

Webtoon Solo leveling
©Verytoon, 2022

LE LEADER MONDIAL N’EST PAS CORÉEN : PICCOMA

Le dernier acteur en date n’est ni Coréen ni Français, mais le leader japonais est mondial : Piccoma. Il s’est lancé en ce début 2022 en Europe et en France. La plate­forme mise sur des Webtoons natifs, mais aussi sur des adap­tations de mangas traditionnels au format smartphone. Là aussi, des perspectives de créations françaises sont évoquées, mais sans annonces concrètes.

QUELS MODÈLES ÉCONOMIQUES POUR LE WEBTOON ?

De multiples plateformes, avec des positionnements éditoriaux différents sont donc disponibles. Mais comment se financent­ elles ? Comment les fondateurs du genre sont-­ils devenus assez rentables pour proposer des mil­liers de contenus ? Le Webtoon repose principale­ment sur un concept simple : on paie ce que l’on consomme. Et on permet au lecteur de tester un peu en gratuit pour lui donner envie de payer ensuite. C’est le système freemium, très présent dans l’univers de la consomma­tion culturelle digitale.

En France, différentes options sont explorées. Les Français ont misé sur le système de jetons : le lecteur achète des crédits vir­tuels qu’il va pouvoir dépenser ensuite en payant ses épisodes à l’unité. Pour Thierry Rodriguez de Verytoon, « c’est le système le plus vertueux. Il permet au lecteur de gérer lui­-même sa consommation, en ne payant pas pour des contenus qui ne l’intéressent pas. L’abonnement nous semblait une formule contre­-productive. Nous savons bien que les lecteurs de Web­toons picorent sur l’ensemble des plateformes. Nous ne pen­sons pas que l’enchaîner avec un abonnement soit la solution.»

Piccoma suit ce modèle avec une option ludique en plus. Le « Wait until free » permet de sélection­ner quelques épisodes payants disponibles en gratuité pendant un certain laps de temps. Ces droits se rechargent au fil de la journée. Une façon de fidéliser le lecteur de manière ludique.

Naver a opté pour un modèle différent. Ici, le lecteur dispose d’une offre de lecture gratuite immense. De quoi satisfaire les boulimiques de contenus qui peuvent lire des centaines d’épisodes. Ce qui est payant, ce sont les contenus nouveaux. L’offre Fastpass donne plusieurs semaines d’avance au souscrip­teur qui veut payer le prix. Après avoir généré de la fidélité et une pointe d’addiction à un uni­vers, Naver fait payer l’accès à la nouveauté.

LE PAPIER N’EST PAS ENCORE MORT

De nombreuses heures de lec­ture gratuite, des dépenses maî­trisées, c’est indéniablement la raison du succès économique du Webtoon. Une nouvelle option s’ouvre aux éditeurs français pour générer plus de revenus : l’édition papier.

Chez Webtoon Factory, le procédé est encore récent et s’appuie sur le label manga Véga-­Dupuis qu’il dirige aussi. Stéphane Ferrand : « Nous l’avons fait avec le Webtoon Satanisme et éco-responsabilité, avec Coven, et avec Arena. Trois titres différents qui nous permettent de nous adres­ser à 3 types de public diffé­rents, de la BD au manga.» Une première édition Collector est proposée en financement parti­cipatif avant qu’une édition plus classique soit mise à disposition en librairie.

Pour Thierry Rodriguez chez Verytoon, il y a complémentarité : « Les deux supports peuvent se nourrir l’un l’autre. Le public smartphone sera content de trouver une édition Collector d’une grande série Webtoon. Et le public librairie qui va découvrir nos séries en papier pourra avoir envie d’aller lire la suite en numérique. C’est un cercle vertueux.»

The Druid of Seoul Station, manga adapté au format papier chez Kbooks

The Druid of Seoul Station, webtoon adapté au format papier chez K-Books
© Mun sung ho, liveBEAR & Jin Seol woo / YJ Comics

Mais comment passer d’un for­mat smartphone, avec ses codes graphiques propres, à un format planche ? Du côté de Webtoon Factory, Stéphane Ferrand dis­pose d’un lien direct avec les auteurs : « C’est évident qu’il faut retravailler le contenu avec les auteurs pour que le passage de la verticalité à l’horizontalité se fasse de manière cohérente. C’est là que nous apportons toute la pertinence d’une mai­son d’édition traditionnelle, ouverte aux nouvelles techno­logies.» Et l’enjeu reste le même pour les productions coréennes. « Avec la création de K-books, nous allons pouvoir fixer les bases exigeantes de la transcription écran-­papier » nous confiait Pascal Lafine de K-books.

« En France, le format manga a largement été défini par les éditions J’ai Lu. La qualité du papier, la taille de l’objet que nous connaissons, ça vient de ces précurseurs. Mais ils ont travaillé à l’économie et ont donc conçu des produits peu coûteux, mais qui permettaient moins de qualité pour les éditeurs. Avec un prix un peu plus élevé, le monde du manga que nous connaissons en France serait très différent. Avec Kbooks, j’ai la chance de pouvoir défricher un nouveau genre. Je compte bien me montrer exigeant.» 

QUELS SUCCÈS SUR LES PLATEFORMES EN FRANCE ?

Depuis 2015, le Webtoon a pu faire la démonstration de nom­breux succès en France, même s’ils sont plus discrets que ceux du manga. Face aux chiffres écrasants d’un One Piece ou de parts de marché énormes sur les ventes de livres, de belles per­formances sont indéniablement à noter.

Chez Naver, un titre comme L’impératrice remariée d’Alphatart et Sumpul, affiche près de 43 millions de vues pour plus de 400 000 lecteurs et lectrices. Chez les Français, les chiffres sont moins impressionnants, mais plus significatifs des per­formances locales des titres.

Pour Webtoon Factory, Arena, le Webtoon du YouTuber Le chef Otaku affiche plus de 20 000 likes. Cela lui a valu une édition papier qui a toutes les chances de trou­ver son public de fans.

Verytoon mise après une petite année sur Solo Leveling de Dubu (Redice Studio) et Chugong. Près de 2 500 likes et là aussi, un développement vers la librairie qui semble donner des résultats tout à fait satisfaisant pour son éditeur français.

Piccoma semble confirmer son succès, car avec quelques mois d’existence, il déclare des performances similaires. Le Web­toon La Vilaine réécrit l’histoire de Ken et Garin, affiche près de 6 000 likes et le manga adapté Berserk of Gluttony (éditions Maho), près de 2 500.

Finalement, en Webtoon, l’impor­tant n’est pas tant les gros succès individuels. Ce qui compte, c’est le volume global de lecture. C’est le temps passé sur le site ou l’ap­plication. De ce fait, le succès en Webtoon se mesure sur des cri­tères qui le rapproche plus des sites de streaming que des édi­teurs de bande dessinée.

COMMENT LA CRÉATION SE VIT-ELLE DE L’INTÉRIEUR ?

Avec le positionnement de Webtoon Factory, nous avons la possibilité de connaître des auteurs de webtoon francophones. Jeff Legrand est scénariste. Il a écrit notamment Bad Beat Rodeo, Love Legacy avec Compote au dessin ou Surf Food & Family aux côtés de Félouche.

« Je suis un scénariste multimédia. Je suis aussi scénatiste de BD traditionnelle, chez Mareuil Editions et maintenant chez Delcourt. Et donc j’écris du webtoon chez Webtoon Factory depuis 2019. » Une activité très technique. « Écrire, c’est un métier, c’est une technique. Dans mes webtoon, je ne prétends pas à une écriture artistique. Mais je crois produire de bonnes histoires, des histoires qui emportent le lecteur. Et c’est ça qui compte pour moi. »

Jeff Legrand n’a pas cette culture webtoon à l’origine. Il a donc lu de très nombreuses séries pour bien comprendre les codes du genre, pour répondre aux attentes des lecteurs, avant de se lancer : « Nous n’avons pas de guideline à respecter. Nous écrivons les histoires que nous voulons. Par contre, il y a quand même un cadre à respecter. Je suis attentif aux 60 cases, par exemple. Ceux qui dépassent largement ce volume, ont tendance à perdre leur récit au fil de la réalisation. Mais pour respecter un bon rythme, de bonnes péripéties, un cliffangher, il faut savoir se contenir. On en revient à la technique. Accrocher le lecteur, ça se construit, ce n’est pas juste de l’intuition. »

Love Legacy, webtoon scénarisé par Jeff Legrand

Love Legacy, webtoon scénarisé par Jeff Legrand et dessiné par Compote
© Webtoon Factory, 2022

Sa vision de l’avenir du webtoon français ? Le transmedia. « Je ne crois pas vraiment, aujourd’hui, à l’avenir de l’adaptation en livre du webtoon. Ca peut fonctionner au départ, mais quand les plateformes françaises auront plus de lecteurs, je pense que les audiences se cannibaliseront. Par contre, je crois beaucoup plus en la possibilité de raconter des histoires complémentaires en digital. Pour moi, le public n’attend pas la même chose entre le digital et le physique. Alors proposons-lui des histoires différentes. Enrichissons les univers que nous créons. »

Un exercice professionnel exigeant, pour tenir idéalement un délai de trois semaines entre deux épisodes. Mais Jeff Legrand compte bien continuer l’expérience. Il a signé un nouveau contrat, pour un webtoon d’inspiration Shonen consacré à l’escrime et qui devrait voir le jour à l’automne 2022. En plus, donc, d’un album de bande dessinée en production.

QUELLES LEÇONS POUR LA BD EN FRANCE ?

Le succès du webtoon doit interroger le marché de la BD en France. Car il n’est finalement pas si éloigné que cela de l’histoire du média dans le pays.

« C’est le retour en force de la prépublication, qui tendait à disparaître », nous livre Pascal Lafine. « C’est la possibilité de rémunérer la création d’une œuvre avec des coûts de production d’abord réduit. Puis, quand le succès est présent, de sortir un livre plus ambitieux, avec un succès quasi assuré. » Et la prépublication, c’est en effet un pan de l’histoire de la BD franco-belge.
Aujourd’hui, seul le journal de Spirou prolonge ce qui était le mode de production historique de la bande dessinée francophone. Tintin était publié dans la presse. Les recueils albums n’étaient que secondaires. Pour publier dans Pilote, dans l’Echo des savanes, dans À Suivre…, les auteurs étaient rémunérés à la planche. Ils étaient payés pour leur travail de création, puis si un album se faisait, étaient rémunérés en droits d’auteurs suivant le volume de ventes. Aujourd’hui, les auteurs touchent une avance sur ces droits d’auteurs qu’ils remboursent à l’éditeur au fil de la vie de l’album. Et rares sont les albums qui permettent à leurs auteurs de rembourser leur avance et de vivre de leurs ventes ensuite.

Alors, le webtoon serait-il une solution en France pour financer la création ? Pas encore. Les auteurs Webtoon Factory sont payés à la livraison de leur épisode, certes, mais en avances sur droit. Stéphane Ferrand explique les conditions de paiement : « La rémunération est calculée à l'épisode et sur la base d'une saison. La saison fait 12 ou 24 épisodes, selon les projets, l'épisode peut être payé entre 500 et 1000 euros, selon la notoriété, le type de projet, la communauté et le type de travail effectif du ou des auteurs. Nous nous occupons également de gérer le développement des droits, en vente de droits du titre à l'étranger, création d'audiovisuels, développement en livre etc... nous cherchons ainsi à accompagner nos auteurs, et à travailler à long termes leur œuvres, afin de leur donner le plus de visibilité possible. »

Webtoon Marya Morevna

Webtoon Marya Morevna
©Webtoon Factory, 2022

« C’est regrettable qu’à ce stade, en France, le modèle économique ne fonctionne pas en dehors des avances sur droits, » nous confie Jeff Legrand, « mais c’est une rémunération régulière qui tombe pour un travail professionnel. » Solution aux problèmes financiers des auteurs ? Le scénariste se montre prudent. « Je ne recommande pas à tous les artistes de se lancer dans le webtoon. Il faut une sacrée endurance pour suivre les rythmes de publication. Mais c’est possible d’en vivre. Il faut juste adapter sa méthode de travail. »

Et accepter de travailler en studio, comme le font déjà les japonais, les américains et quelques rares français. Accepter un partage des tâches plus poussé, qui permet de produire plus, plus vite. Sans doute pas dans une posture d’artiste au sens où nous français aimons la défendre. Peut-être plus une posture d’artisan, qui assume d’appartenir pleinement à une industrie du divertissement qui répond à des objectifs économiques. Une position pas moins respectable, qui peut peut-être, sur le long terme, sécurisera les revenus de scénaristes, dessinateurs, story-boarders et coloriste comme cela peut être le cas en Corée du Sud.
Mais les deux approches ne sont sans doute pas incompatibles. Bd de création et BD de commande doivent pouvoir coexister. D’autant qu’il n’est pas interdit non plus qu’à l’avenir, la bande dessinée de création puisse être mieux rémunérée, malgré les risques financiers qu’elle représente.

Le webtoon est un mouvement naissant en France. Il amènera vraisemblablement à la lecture par le smartphone, des personnes qui n’y seraient jamais venues par le livre. C’est une pratique qui marquera le monde de la BD comme nous voyons aujourd’hui l’influence du manga s’exprimer à travers la nouvelle génération à l’œuvre. La génération marquée par la culture coréenne apportera nécessairement sa brique au média à son tour.
Et en attendant, elle prend plaisir à suivre des aventures originales, à découvrir une nouvelle culture et à trouver des réponses aux enjeux de son temps. Alors il ne faut pas perdre de vue le webtoon et ses différents acteurs. 

Article publié dans le mag ZOO MANGA N°3 Mai-Juin 2022

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Commentaire (1)

Cher Yaneck, je me permets de revenir sur vos propos concernant delitoon. Vous évoquez une "relative discrétion" ce qui laisse sous entendre l'absence d'intérêt ou de succès... Sachez que delitoon s'est hissé dans le Top 10 des applications les plus rentables aux côtés de Netflix, Vivendi et autres, dès 2020.
Delitoon est aujourd'hui second sur le marché français après Naver Webtoon qui est un géant mondial...
Pour finir, j'ai lancé delitoon en 2011 et non en 2015. Si vous avez des questions, je serai ravi de vous répondre la prochaine fois.
Sinon oui, en tant que dirigeant j'ai toujours cultivé la discrétion. C'est un choix qui était partagé avec mon équipe, nous avons travaillé et réussi pendant que d'autres claironnent des succès de façades.
Didier Borg - Fondateur de delitoon - Dirigeant de 2010 à 2020

Le 25/05/2022 à 16h48