ZOO

Dans la tête de Grzegorz Rosinski, le créateur de Thorgal, 50 ans après

Du 23 avril au 24 mai 2025 une rétrospective consacrée à Grzegorz Rosinski est organisée à la Galerie Daniel Maghen. À cette occasion nous avons eu le privilège de rencontrer le maître du trait qui a donné vie à Thorgal il y a près d'un demi-siècle. L'artiste polonais nous livre ses pensées sur son œuvre emblématique, sa vision de la création et l'héritage de son personnage qui continue de fasciner les lecteurs à travers les générations.


Thorgal est né sous votre crayon il y a presque 50 ans. Quelle est la recette pour qu'un personnage s'inscrive autant dans la durée ?

Grzegorz Rosinski : Ce qui fait le succès d'un personnage est très simple à mes yeux : il faut créer des personnages auxquels chacun peut s'identifier, et qui restent crédibles. Il ne s'agit pas de concevoir des sorciers avec des pouvoirs magiques ou des êtres extraordinaires. Thorgal est quelqu'un d'humain qui n'a pas de pouvoir spécial, quelqu'un de normal, comme nous tous.

C'est la proximité avec chacun, finalement, qui crée le succès du personnage ?

GR : C'est cette proximité qui fait de lui un héros. Avec Thorgal, nous avons toujours cherché à éviter les sujets d'actualité, politiques ou éthiques trop directs. Nous avons préféré explorer des thèmes universels comme l'histoire familiale, la responsabilité, l'amour, la haine, la jalousie. C'est tout cet aspect humain qui donne de la profondeur à l'œuvre, alors qu'à l'époque, beaucoup pensaient que ce n'étaient pas des sujets pour la bande dessinée.

Grzegorz Rosinski : Dans la tête de Grzegorz Rosinski, le créateur de Thorgal, 50 ans après

Exposition : Rétropective Grzegorz Rosinski © Laura Mietton, 2025

Est-ce qu'on prend toujours autant de plaisir à dessiner un personnage qu'on a créé il y a 50 ans ?

G.R : Vous savez, parfois, on n'a pas toujours envie de dessiner, de faire quoi que ce soit. Ça dépend des moments, tant pour l'auteur que pour les autres. L'éditeur aussi a son mot à dire. Il se pose souvent des questions : Est-ce que ça vaut la peine de continuer la série ou pas ? Faut-il ralentir ou accélérer ? C'est lui qui devient un peu le chef. L'auteur n'a pas vraiment son mot à dire. Il faut seulement écouter.

Les derniers albums que vous avez dessinés l'ont été en couleur directe. Quel a été le déclic du passage de l'encrage à la couleur directe ?

G.R : Les couleurs directes, c'est un peu particulier. Aujourd'hui, c'est presque devenu la norme que tout soit en couleur. À l'origine, j'avais l'idée de travailler en noir et blanc, puis plusieurs années après, de coloriser. Mais c'était l'exigence du marché, de l'éditeur. J'aurais voulu faire certaines histoires uniquement en noir et blanc, pour expérimenter avec les moyens d'expression que j'avais. C'était difficile car on me posait toujours la question : " Pourquoi ce noir et blanc ?" Et je répondais simplement : " Parce que je le voulais comme ça. "

Est-ce que la jeune génération de dessinateurs ou dessinatrices vient vous voir pour des conseils ?

G.R : Non, je me suis un peu caché dans la montagne. Je n'ai pas beaucoup de contacts. J'ai eu des problèmes de santé, mais maintenant, ça va mieux. Je fais partie d'une génération de vieux dinosaures qui sont à l'aise comme ça.

Grzegorz Rosinski : Dans la tête de Grzegorz Rosinski, le créateur de Thorgal, 50 ans après

Exposition : Rétropective Grzegorz Rosinski © Laura Mietton, 2025

Quelles étaient vos sources de documentation pour Thorgal ?

G.R : Juste ma tête, mon imagination. On m'a posé ces questions assez souvent : quels sont mes films préférés ? Quels sont mes peintres de référence ? Je réponds toujours que je ferme simplement les yeux. Il y a de grandes richesses dans notre tête, et il suffit de fermer les yeux. Ce n'est pas tant être séduit par les humains ou ce qui nous entoure, mais plutôt suivre une honnêteté créative que les lecteurs reconnaissent. Je préfère me laisser guider par l'émotion, par ce que je veux faire. Et ça arrive tout seul.

Pour créer des personnages, certains commencent par s'inspirer de comédiens connus. Moi, c'est tout simplement la vie qui me les donne. Ils sortent tous seuls. Il me suffit de savoir quelle force, quelle action, quel rôle chacun doit jouer. C'est comme au cinéma : on cherche celui qui a les capacités physiques et psychiques pour jouer au mieux le rôle.

Comment imaginez-vous l’avenir de Thorgal ?

G.R : Je ne sais pas. Ce n'est plus ma propriété. Ça appartient au public. Vous savez, on n'a pas le droit de décider pour le public. Ce sont des milliers de personnes. On pourrait tout arrêter, dire " c'est moi qui décide ". Mais je n'aime pas ce genre d'attitude. Si d'autres veulent continuer mes personnages, qu'ils y aillent. Il n'y a aucun problème. C'est avec mon accord, bien sûr. Et je leur donne volontiers le plaisir de cet accord.

Merci Grzegorz

Grzegorz Rosinski : Dans la tête de Grzegorz Rosinski, le créateur de Thorgal, 50 ans après

Grzegorz Rosinski (droite) présent à la Galerie Daniel Maghen pour une rétrospective lui étant dédiée © Laura Mietton, 2025

Grzegorz Rosinski : Dans la tête de Grzegorz Rosinski, le créateur de Thorgal, 50 ans après

Exposition : Rétropective Grzegorz Rosinski © Laura Mietton, 2025

BD

Interview

Exposition

Rétrospective

Thorgal

Haut de page

Commentez

1200 caractères restants