L'historien

Avec ce nouvel opus consacré à l’affaire Jean-Claude Romand, la collection DOCU BD des Éditions Petit à Petit confirme son excellence dans l’art de mêler rigueur documentaire et narration graphique. Sous la direction d’Olivier Petit, ce récit revisite un fait divers parmi les plus troublants des années 1990, avec une précision et une sobriété qui forcent le respect.

S’appuyant sur une riche base de sources (bibliographies, blogs, podcasts...), l’album restitue avec fidélité l’imposture tragique d’un homme qui trompa jusqu’à ses plus proches. La tension narrative est constante, la structure du récit captivante, et l’on tourne les pages avec avidité, pris dans cette spirale de mensonges jusqu’à l’inéluctable drame.

Le dessin de Philippe Valette, à la fois sobre et expressif, accompagne parfaitement cette descente aux enfers, en donnant aux personnages et aux lieux une densité presque documentaire.

En évitant toute dramatisation excessive, l’ouvrage conserve une posture quasi journalistique, tout en intégrant habilement quelques éléments fictionnels pour fluidifier le récit.

j'ai lu Algues vertes, l'histoire interdite avec un vif intérêt. Cette œuvre, fruit de la collaboration entre la journaliste Inès Léraud et le dessinateur Pierre Van Hove, se distingue par sa capacité à transformer une enquête journalistique approfondie en un roman graphique percutant.​

Le récit s'appuie sur plusieurs années d'investigation d'Inès Léraud, qui a choisi de s'installer en Bretagne pour mener son enquête sur les marées d'algues vertes. Cette immersion lui a permis de recueillir de nombreux témoignages et documents, révélant les liens entre l'agriculture intensive, l'ago-business (voir la double page que je joins à ma critique) et la prolifération des algues vertes, ainsi que les pressions exercées pour étouffer l'affaire. La bande dessinée restitue fidèlement cette complexité, offrant au lecteur une vision claire des enjeux environnementaux et politiques.​

Le Droit du sol d’Étienne Davodeau se présente comme une œuvre engagée, mêlant récit de voyage et réflexion sur l'enfouissement des déchets nucléaires à Bure. Cependant, malgré la noblesse de ses intentions, l'album souffre de plusieurs faiblesses qui en limitent l'impact.​

L'ouvrage oscille en effet entre journal de marche et reportage militant, sans parvenir à trouver un équilibre harmonieux. Les passages narratifs sont souvent interrompus par des entretiens insérés de manière artificielle, ce qui alourdit le rythme et nuit à la fluidité de la lecture.​ En abordant un sujet aussi complexe que le nucléaire, l'absence de points de vue contradictoires est regrettable. Le récit adopte une posture manichéenne, ce qui peut donner l'impression d'un discours à sens unique, manquant de la nuance nécessaire pour enrichir le débat.​..

Je lis beaucoup de bandes dessinées documentaires, et forcément, avec tout le battage autour de "Le Monde sans fin" de Jean-Marc Jancovici et Christophe Blain, j’étais curieux. On m’a vendu un livre pédagogique, qui explique enfin les vraies causes du réchauffement climatique et les défis liés à l’énergie. Mais honnêtement, après l’avoir lu, je suis resté sceptique, voire déçu.

Ce qui m’a dérangé dans cette BD, c’est la vision très fermée du monde que propose Jancovici. Oui, l’énergie est au cœur de nos sociétés, et oui, le climat est un sujet crucial. Mais tout au long de l’album, j’ai eu l’impression qu’il y avait une seule vérité, assénée sans nuance : celle de l’auteur.

La croissance serait impossible, le nucléaire serait la seule solution, et les alternatives comme les énergies renouvelables sont vite balayées. Ce manque de pluralité des points de vue m’a gêné. Une BD documentaire devrait ouvrir le débat, pas le fermer.

Dans un monde qui évoque une fantaisie antique, la société est strictement divisée entre les "beaux" qui dominent la surface, et les "laids" qui peinent dans les mines pour extraire le sel et autres substances précieuses au profit des "beaux". Lorsque deux clans de "beaux" se déclarent la guerre, ce sont les "laids" qui sont enrôlés et envoyés au combat, exhortés à laver l'affront dans le sang. Certains "laids" ont la chance de côtoyer les "beaux", soit comme animaux de compagnie, soit comme bouffons. C'est le rôle de Spartak, qui préfère nettement être bouffon parmi les "beaux" plutôt que de vivre dans la misère des "laids".

Derrière l'extravagance de cette histoire se cache une fable politique acerbe et cruelle. Comme à son habitude, Buzzelli prête ses traits, et probablement un peu plus, à son personnage principal. Il met en scène une galerie de personnages grotesques et ridicules, s'inspirant de toute une tradition du théâtre mais aussi du cinéma italien des années 60 et 70.

Stéphane Piatzszek et Guillermo González Escalada reviennent ensemble, neuf ans après "Le Chevalier à la Licorne", avec un nouveau récit médiéval à la fois épique et violent, inspiré par l'histoire et les légendes de Bohème.

L'histoire débute avec les armées de Charlemagne, dirigées par son fils Karl (Charles le Jeune), qui partent conquérir les terres slaves pour les évangéliser et les détourner de leurs dieux païens. Après la mort du roi Krok sur le champ de bataille, Libussa, sa fille la plus sage, monte sur le trône. La trahison de l'ancien conseiller du roi la pousse à entrer en résistance. Rejointe par des femmes déterminées à poursuivre le combat, elle se venge et défie l'armée impériale.

On retrouve avec plaisir, et malheureusement pour la dernière fois (il est décédé alors qu'il finissait l'album), le style puissant de ce dessinateur espagnol. Son découpage dynamique et ses couleurs somptueuses créent une atmosphère irréelle, parfaitement adaptée à ce récit âpre et violent, situé à la frontière parfois floue entre histoire et légende.