Depuis le 10 avril jusqu'au 5 octobre 2025, Paris accueille la monumentale exposition Disney 100, lancée par Walt Disney Archives aux Etats-Unis avant de faire le tour du monde. Entre nostalgie, émerveillement et un Walt Disney ranimé par I.A pour l’occasion, retour sur une exposition anniversaire riche de 100 ans de magie.

« J’espère que nous n'oublierons jamais que tout a commencé avec une souris » (Walt Disney)
Impossible, en effet, d’oublier la présence de la mythique mascotte de Disney : Mickey Mouse, première figure à accueillir les visiteurs à travers son sublime costume de Fantasia. S’ensuit alors une sorte de mémorial aux souvenirs, construit façon « scrapbooking » avec une compilation de photos, d’objets, de cartes postales ou encore de petits mots… Une véritable plongée nostalgique pour boomers et enfants du nouveau millénaire biberonnés à Disney Channel, et ce, avant même le lancement du film d'introduction.

8e portrait officiel de Mickey, peint par l'artiste Bret Iwan en 2023 à l'occasion de la convention D23 © Mélina Saysana, 2025

Collection de souvenirs de la période " 1950s-1960s " © Mélina Saysana, 2025

Collection de souvenirs de la période " 1960s-1970s " © Mélina Saysana, 2025
Premiers enchantements
L'exposition débute réellement au coeur d’une petite salle obscure, dans laquelle est lancée une présentation de convenance sur l’histoire des débuts du Studio.
« En 1923, un jeune homme du Midwest américain et son frère aîné, Roy, ont créé un studio de dessins animés dans l’arrière-boutique d’une petite agence immobilière à Hollywood, en Californie. C’était le début d’une entreprise de divertissement familiale, qui allait créer des histoires inoubliables. »
Une entrée en matière digne d’un conte, ponctuée par l’apparition à l’écran de Walt Disney lui-même, ranimé par… I.A. Peut-être une façon de se réapproprier le personnage avant qu’il ne tombe dans le domaine public, lui aussi. En tout cas, parmi les neuf salles thématiques conçues par les équipes de Becky Cline, commissaire d’exposition et directrice de Walt Disney Archives, il n’y en a pas une seule où le « maître du storytelling » n’est pas cité. Nous rappelant que sans lui, pas de commencement. Pas d’histoires.

Affiches des neuf galleries thématiques de l'exposition Disney 100 © Mélina Saysana, 2025
« Les archives de Disney ont des centaines et des centaines de trésors, des milliers d'objets, des centaines de milliers de dessins. Il a alors fallu faire des choix, et ça a été compliqué. Au final, on a laissé beaucoup plus de choses qu'on en a mis. Ce qui fait que tous les objets qui sont montrés ici, représentent vraiment la crème de la crème de 100 ans de studio. Pour moi ce qui est le clou de l’expo notamment, c'est le premier dessin de Mickey. On sait que Walt Disney a inventé Mickey dans un train qui le ramenait de New York vers Los Angeles, parce qu'il avait perdu son personnage d'Oswald le Lapin et il fallait qu’il en invente un nouveau. Et ce dessin qui est exposé là, c'est un vrai trésor qui n'est même pas dans les archives, mais dans les collections de la famille Disney elle-même. C’est un morceau d’histoire. Et pour les plus jeunes qui sont entrés dans l’univers Disney par le biais de Star Wars ou Marvel, on a BB-8 le petit androïde qui est présent, on a un costume de Stormtrooper, le bouclier de Capitaine America, le masque d'Iron Man, le casque de Thor aussi… Quelle que soit la façon dont vous appréhendez Disney, vous avez une porte d'entrée avec cet expo. » énonce Sébastien Durand, porte-parole francophone de l’exposition et spécialiste des innovations chez Disney.

Reproduction du plus ancien dessin connu de Mickey et Minnie Mouse, 1928, Collection de Walt Disney Family Foundation au Walt Disney Family Museum © Mélina Saysana, 2025
Une mémoire sélective ?
Le grand intérêt de cette exposition est alors qu’elle recèle de « plus de 250 trésors, pour la plupart qui n’étaient jamais sortis des archives, en les présentant d’une façon qui ajoute un peu de magie. C'est-à-dire qu'il y a plein de petits effets spéciaux, de lumière, d'effets de son, qui vont se produire devant les œuvres. »
Et en effet, des originaux de Mary Blair à la robe de Cruella, de la caméra multiplane au premier ordinateur PIXAR, on se laisse facilement émerveillé par le foisonnement d’idées et de créativité. Une scénographie pensée comme un véritable bal d’illustrations, de dessins préparatoires, d’objets de collection, d’extraits marquants… au rythme des compositions d’Alan Menken. Des bandes-sons de notre vie.
« De nos jours, les gens qui visitent veulent qu'on leur parle d’eux, et pas de l'histoire de la marque. Ce qui intéressera les gens ici c'est que tout ce qu'on montre de Disney, c’est ce quileur parle directement, c’est essayer de comprendre : quand on regarde Peter Pan et qu'on a 7 ans, qu’est-ce qui fait qu'on a envie de s'envoler avec lui ? D’où vient cette envie ? Et quel rôle joue la musique ? L’exposition répond à tout ça. Derrière, il n'y a pas de volonté de passer des messages, autre que : c’est une marque de divertissement qui nous parle, qui parle aux plus jeunes, à mes parents, mes grands-parents, mes arrière-grands-parents… Ça vise donc à dire : on est enchanté depuis un siècle, aujourd’hui alors, partageons cet enchantement. »

Développement visuel pour le film " Cendrillon " par l'artiste May Blair, 1950 © Mélina Saysana, 2025

Robe conçue par Jenny Beavan et portée par Emma Stone pour le tournage de " Cruella ", 2021 © Mélina Saysana, 2025
De quoi se réconcilier avec son enfant intérieur, à priori.
Malgré tout, il convient de se poser quelques questions quant aux choix curatoriaux. Au point de ne pas seulement abandonner certaines œuvres aux archives, mais d’omettre les pans plus politiques de leur histoire. Ainsi, pas de mention du mouvement social majeur ayant ébranlé le studio en 1941. Ce conflit, porté par des animateurs en lutte pour de meilleures conditions de travail et la reconnaissance de leurs droits syndicaux, marque pourtant un tournant dans l’histoire de l’entreprise. À l’époque, une grande partie des artistes reprochent à Walt Disney ses méthodes de gestion autoritaires, les disparités de salaires et l'absence de dialogue social. La grève, initiée par la Screen Cartoonists Guild, dure près de deux mois et pousse plusieurs talents majeurs à quitter définitivement le studio.
A la place, la galerie des innovations diffuse un extrait vidéo rendant hommage au parc E.P.C.O.T (Experimental Prototype Community Of Tomorrow), à l’origine conçu par le père de Mickey comme un plan d’urbanisme utopique : une ville aux rues homogènes, parées de caméras pour mieux surveiller sa « communauté du futur » et éviter toute forme de délinquance. Ce fut alors le dernier rêve de Walt Disney, qui n’a jamais pu voir le jour de son vivant en raison de l’aspect démiurge du projet.
Une exposition captivante certes, parfaite pour renouer la franchise avec un public de plus en plus désenchanté, qui aurait eu le mérite d’être un peu plus autocritique sur son histoire. Une mention même brève des tensions historiques aurait ainsi permis de rappeler que la magie n’est pas née sans contradictions.

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