Laurent Astier, l’auteur de La Venin, dont le tome 3 est paru le 28 octobre chez Rue de Sèvres, nourrit une passion pour le western depuis son plus jeune âge. Entretien avec un auteur complet, du scénario au dessin en passant par la couleur, fasciné par les personnages qui sortent des sentiers battus.
Comment est née l’idée de cette série, La Venin ?
Le point de départ est le personnage central. Je l’ai imaginé, puis j’ai bâti une histoire autour d’elle. Dans le premier dessin que j’ai fait d’Emily en 2012, je voulais rendre hommage au personnage de Claudia Cardinale dans le film Il était une fois dans l’Ouest, car je ne le trouvais pas assez développé. Je souhaitais créer un destin de femme dans l’Old West. J’ai eu dès le départ cette idée qu’elle voulait venger sa mère morte : ça me permettait de trouver un fil rouge pour explorer la période. On est dans le post-western : la fin du western classique et l’arrivée de la société industrielle moderne me permettent pas mal de liberté.
J’élabore ensuite un récit, puis je fais des allers-retours entre mes recherches historiques et sociales pour nourrir et modifier mon récit, le densifier. Je développe un arc narratif avec des scènes importantes. Au départ, ce sont comme des scènes de film, des moments clés qui prennent peu à peu de l’importance dans l’histoire globale.
Est-ce la première fois que vous vous frottez au western ?
Oui et non. Entre sept et onze ans, je n’ai dessiné que ça ! J’ai ensuite découvert Blueberry vers douze ans et j’ai alors beaucoup recopié les dessins de Giraud avec mon niveau de l’époque (rires). Donc le western, c’est un peu un rêve d’enfant. Mais dans La Venin, l’aspect polar aussi est très important.
Votre héroïne a un caractère bien trempé…
Elle a un côté moins roots et plus féminin que Calamity Jane. Emily est une femme qui s’assume, qui n’essaie pas de cacher sa féminité. Je l’ai construite en développant son background et tout ce qui lui est arrivé : en injectant son passé, en écrivant, mon personnage devient autonome. Il ne me reste ensuite qu’à la projeter dans les séquences pour qu’elle vive par elle-même.
Dans Face au mur, vous racontiez la vie de l’ancien braqueur Jean-Claude Pautot. Les gangsters vous fascinent ?
Leurs parcours sont toujours très intéressants. Ils me fascinent oui, car j’ai une vie assez classique et rangée, du coup je suis intéressé par les gens qui cassent les codes et vivent en marge de la société. Ils sont loin de moi, et en même temps, quand j’ai mené des ateliers BD en prison (où j’ai rencontré Jean-Claude Pautot), je me suis rendu compte que les détenus étaient comme moi. Sauf qu’à un moment, il y a eu un caillou sur le chemin qui a fait dévier leur parcours, puis un amoncellement de cailloux. Il est bien sûr toujours question de trajectoire dans les histoires humaines.
Scénariste, dessinateur et coloriste (même si ce troisième tome est mis en couleur par votre frère, Stéphane Astier) : est-ce que cela vous apporte plus de liberté de travailler seul ?
Ça dépend un peu des projets, car j’aime bien aussi collaborer avec d’autres scénaristes. Je ne me considère pas comme dessinateur, plutôt comme un raconteur d’histoires qui utilise le dessin pour ses récits. En ce moment par exemple (N.D.L.R. : septembre 2020), ça fait plusieurs semaines que j’écris et que je ne dessine pas. J’en ai récemment discuté avec Christophe Chabouté, on se ressemble là-dessus. Mais travailler seul ou à plusieurs dépend de ce que je veux raconter.
Interview Publié dans le Mag 200 N°78 Nov-Dec 2020
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