Cinq ans se sont écoulés depuis la fin d’Alvin du duo Régis Hautière et Renaud Dillies et de l’aventure Abélard. Ils sont de retour avec le tome 1 du Clan de la Rivière sauvage. Quand un scénariste amoureux du dessin livre une partition spécialement écrite pour les forces de son dessinateur, le lecteur ne peut qu’être conquis. Moment de partage avec un duo conscient des attentes qu’il suscite.
« Renaud n’a pas besoin de moi pour publier. Mais l’envie était là depuis longtemps, il nous restait juste à trouver le bon moment. » La voix de Régis Hautière en dit plus encore que ses mots. C’est un réel enthousiasme gourmand qui semble le parcourir au moment d’évoquer cette nouvelle série. Le dessinateur n’est pas en reste. « C’est reposant de ne pas avoir à s’occuper du scénario et des dialogues. Mais cela reste deux cerveaux qui travaillent ensemble, Régis écrit pour moi et je prends toute ma part dans le découpage de l’histoire. »
Une histoire, mais quelle histoire ? Celle du village paisible de Saint-Isidore où quelques enfants rêvent d’aventure. Surtout Zaki, qui dévore les livres comme son ami Choco dévore les crêpes de sa mère. Et puis il y a la pimbêche Amélia qui sait tout et dont Choco est amoureux. Leur rencontre avec un conteur itinérant va les plonger dans des aventures auxquelles aucun ne s’attendait vraiment.
Le choix de s’adresser aux enfants
« Nous nous sommes aperçus que beaucoup de bibliothécaires et de libraires classaient Abélard en "jeunesse", à cause du dessin animalier. Avec Le Clan de la Rivière sauvage, nous avons voulu explorer cet aspect du dessin de Renaud. Cette série cible d'abord les 8/10 ans. » Après de beaux succès chez Dargaud, c’est vers les jeunes éditions de la Gouttière que les deux auteurs se sont tournés. « J’étais en train de publier chez eux la série L’Émouvantail », raconte Renaud Dillies, « alors poursuivre sur cette série jeunesse était assez logique. » Régis Hautière renchérit : « Amiénois moi aussi, j’ai vu naître de près cet éditeur, à partir de l’association On a marché sur la Bulle. Et quand on leur a présenté le projet, nous avons reçu immédiatement un accueil enthousiaste. Ils parlaient même d’un manque dans leur catalogue, entre primo-lecteurs et pré-adolescents, que la série pouvait venir combler. Comment ne pas leur dire oui ?»
L’autre marque de fabrique de l’éditeur, outre sa spécialisation jeunesse, est sa forte implication dans les projets sélectionnés. Régis Hautière propose ici une déclaration d’amour aux récits d’aventure dont la piraterie qui porte ce premier tome.
Le scénariste plonge ses personnages dans les grands archétypes de ces histoires très connues, sans jamais faire référence à un récit en particulier, à dessein : « Au départ, j’avais basé mon script sur de vrais romans. Mais l’éditeur m’a pointé que ces références n’étaient pas forcément partagées. Je me suis donc détaché des livres qui m’ont marqué, enfant, pour capter l’essence de ce que j’avais aimé en eux et que chaque enfant connaît aussi. » Chaque album explorera donc un nouvel univers avec bien plus de place que pour ce premier tome qui impliquait de poser le contexte global de l’histoire.
Le dessin pour matière première
« Je sais que Régis écrit spécifiquement pour moi et qu’il me connaît bien. Par exemple, il y a une séquence avec la petite Loulou cachée sous un lit. Le découpage, les dialogues, j’ai presque cru que c’était moi qui avais écrit cette scène, tant elle me ressemblait. » Régis Hautière approuve tandis que son co-auteur répond. « La BD c’est la force narrative du dessin. Chaque style a ses qualités et des défauts, il faut composer avec. Les dessinateurs, ce sont mes matériaux, leur dessin, ma matière première. Je n’écris pas de la même façon une scène d’aventure pour Arnaud Poitevin, dont le dessin peut synthétiser l’action en peu de cases, que pour Renaud, qui est bien plus contemplatif. » Renaud Dillies enchaîne : « Là où je dois faire attention avec Régis, c’est qu’il a une écriture bien plus dense que la mienne, avec beaucoup plus de textes. Alors je dois dessiner en laissant plus de place dans les cases. Mais pour autant, c’est toujours moi. »
Dans cet album, le lecteur découvrira un exercice rare pour Renaud Dillies : le dessin d’êtres humains. Car dans l’univers anthropomorphique du Clan, les contes sont illustrés de personnages humains. Autre défi, celui de trouver un ton différent avec son coloriste habituel Christophe Bouchard, afin d’incarner cette proposition à destination des enfants. Le coloriste a donc opté pour des teintes plus éclatantes qui ont elles aussi impacté le travail du dessinateur.
L’ombre du succès d'Abélard et Alvin ?
Inquiet, le duo, au moment de revenir sur les pas de leur très grand succès passé ? « Il y a un peu d’enjeux, c’est vrai », a répondu un Renaud Dillies philosophe. « Mais pour ma part, j’ai publié de nombreux albums depuis, alors je suis rapidement passé outre. » Pour Régis Hautière, ce n’est pas vraiment la question. « C’est notre quatrième projet commun depuis Mister Plumb et l’envie de collaborer à nouveau ensemble était plus forte que tout. »
Le Clan de la Rivière sauvage est prévu avec un premier cycle de trois tomes, amené à se poursuivre si la série rencontre son public. Mais les auteurs sont confiants en la capacité de leur éditeur à travailler la série sur la durée, comme les éditions de la Gouttière savent le faire. Et ils comptent sur le public d’Abélard pour suivre leur nouvelle publication. Régis Hautière nous l’a confié : « Quand j’écris pour la jeunesse, je veille toujours à ce que les adultes puissent y trouver leur compte, cette série ne fait pas exception. »
Et la lecture du tome 1 du Clan de la Rivière sauvage confirme que l’auteur a une fois de plus su suivre cette profession de foi.
ZOO82
Jeunesse
Aventure
EnCouverture
Votre Avis