Zidrou est un scénariste qui est au coeur de l’actualité. Les Beaux Etés avec Lafebre, Bouffon avec Porcel, Le Crime qui est le tien avec Berthet, déjà trois titres et non des moindres sont sortis en cette rentrée. Il y en a d’autres à venir, Ducobu bien sûr, Spirou, Tamara au cinéma, la reprise de Ric Hochet. Zidrou est sur tous les fronts. Prolifique alors Zidrou ? Plutôt passionné, inspiré. Sans langue de bois, il fait le point sur sa carrière, sur son travail qu’il aime et ses projets.
Toujours se remettre en question
Zidrou, êtes-vous un super-scénariste tous azimuts ?
Zidrou : C’est comme la crise économique, on n’arrête pas de parler de moi (rires). Je ne fais que mon métier. Si je ne travaille pas, je ne gagne pas ma vie, je ne peux pas envisager mon avenir, celui de ma famille, ma retraite. Nous ne sommes pas bien couverts les auteurs et pour cause. C’est donc la raison pour laquelle beaucoup d’entre nous continuent à travailler même âgés.
Extrait des 3 Fruits
Deuxième raison qui donne cette impression de touche-à-tout, c’est ma passion de la vie, pour la BD, le cinéma, la littérature. Je ne suis pas du genre, tout en l’aimant, à manger de la pizza tous les jours.
Vous n’aimez donc pas la routine ?
Jeune puis ado, j’ai été un grand lecteur de BD. Tous les genres me plaisent et je n’ai pas de genre de prédilection. Je peux passer de l’humour débile à une histoire très complexe. J’ai toujours eu peur comme de la peste de devoir faire la même chose. Et j’ai envie à chaque fois de me remettre en question. Je n’ai pas encore touché à l’heroic fantasy mais je le ferai. Promis.
Comment choisissez-vous vos thèmes de scénarios ?
Pendant des années je n’ai fait que de la jeunesse. J’essayais de trouver du boulot et personne ne voulait de mes scénarios adultes. J’ai plein d’idées, des notes sur mon ordinateur, des textes déjà écrits. Je rédige mon scénario et je le propose ensuite aux éditeurs.
Extrait de Ducobu T.15
Généralement mes collaborations avec des dessinateurs sont liées à des rencontres. Berthet avait dit qu’il aimerait travailler avec moi pour sa collection Ligne Noire. C’est vrai que j’ai beaucoup d’albums dans l’actualité. Du prochain Ducobu à une autre collaboration avec Porcel qui pourrait se passer pendant les croisades.
Et vous êtes très organisé ?
Pour moi la journée idéale, c’est travailler le matin exclusivement. Au début je commence par des thèmes légers, gags, humour, puis je passe aux one-shot. Pas d’écriture l’après-midi sauf si j’ai du retard. J’ai ma famille, mes balades aussi à privilégier, mes lectures. Je suis plutôt un rapide. J’ai une écriture instinctive. J’assume tout à fait le succès dans un monde de la BD à la fois difficile mais qui aussi continue à vivre une certaine forme d’âge d’or.
Même Mozart a écrit de mauvaises sonates
Vous êtes toujours satisfait de ce que vous écrivez ?
Mozart a aussi écrit des sonates très mauvaises. Il faut accepter qu’on puisse être mauvais. Selon comment l’album est reçu, ça fait mal. On râle. Et tout le monde a fait son boulot pourtant, dessinateur, éditeur, libraire. On oublie et on avance. J’essaye de nouvelles musiques, je veux m’amuser.
Extrait de Boule à zéro
Le succès sur un titre est aussi un beau mariage avec le dessinateur. Ma marque de fabrique est avant tout des dialogues de qualité. Il faut que je me force à faire plus visuel, donner de l’image.
La reprise de Ric Hochet a été compliquée ?
Au départ il devait y avoir une série mère, pas une reprise, plus un Ric Hochet vu par. C’était un peu dangereux de créer trop d’univers autour de Ric Hochet qui n’est pas une marque assez forte. Donc une seule série suffisait et j’y ai apporté des références, le polo de Ric qui de bleu devient rouge, sa liaison avec Nadine. Le deuxième tome est écrit et je suis sur le troisième. Dans le deuxième album, je dois remettre l’univers de Ric Hochet sur les rails, être plus classique. J’avais été très marqué jeune par l’album L’Ombre de caméléon.
Les nouvelles aventures de Ric Hochet
Vous êtes un lecteur fervent de BD ?
J’ai relu beaucoup de BD. Je suis en retard sur des séries. Je reçois des albums des éditeurs. J’en achète peu. Le dernier tome des Nombrils par exemple est parfait. Comme le Jardin de minuit d’Edith ou le Binet, Haut de Gamme ou Sattouf. L’Arabe du futur est magnifique. Je relis l’intégrale des Peanuts 1973, la meilleure BD qui existe pour moi.
Vous avez beaucoup de projets en chantier ?
Le deuxième tome de Ric Hochet sortira l’automne prochain. J’ai Spirou avec Marc Hardy et Frank Pé, Ducobu, un projet pour Edith, corriger un scénario, le deuxième tome des Beaux Etés avec Jordi Lafebre. La fin d’année sera chargée et on y ajoute le tournage du film Tamara.
Tamara
Je fonctionne par étape mais je livre chaque fois mon scénario complet, clé en main. J’aime les héros au quotidien, les contes aussi c’est vrai. Comme dans Les Promeneurs sous la lune, Les 3 fruits ou Bouffon qui est un vieux scénario. Il peut y avoir un pitch qui vous habite depuis des années. J’ai mis quinze ans à sortir Boule à zéro. Personne n’en voulait. Je suis très tenté par un retour vers la jeunesse, notamment écrire une comédie pour le cinéma.
Quel avenir d’après vous pour la BD ?
Le marché est hyper-productif. D’où de jeunes talents qui émergent. On peut raconter n’importe quoi aujourd’hui, avoir des paginations énormes. On a accès au patrimoine de la BD, à des intégrales. On a une BD de qualité.
Par contre, plus inquiétante est l’absence de renouvellement du lectorat. On a perdu les 12-24 ans. Un lectorat qui était la pierre angulaire du marché. Ils lisent des mangas ou ils jouent. Le jeu vidéo est le plus important marché loisirs. C’est une réalité. On manque de presse spécialisée. Ma génération aura du mal à passer au numérique.
Le livre objet se maintiendra. On a bien juré que la radio était morte. Et elle est toujours là et progresse. Les bonnes histoires captiveront toujours les gens. Il y a des auteurs, jeunes, qui ont compris et qui créent pour le web. Même si le transmedia en BD est faible.
Extrait des Beaux étés T.1
0 0